La zone euro se porterait-elle mieux sans la Grèce ?

Une sortie de la Grèce serait-elle bénéfique ou catastrophique pour la zone euro ? Les partisans de l’option radicale y voient un moyen de repartir sur des bases plus saines mais pour de nombreux économistes elle risque d’ouvrir les vannes d’une contagion gravissime. 
Ce scénario s’éloigne à court terme avec l’abandon du référendum en Grèce. Mais il a été à cette occasion pour la première fois mis publiquement sur la table par les responsables européens et peut revenir rapidement sur le devant de la scène compte tenu de l’ampleur de la dette grecque censée représenter au mieux 120% du PIB d’ici 2020. Pour des économistes comme l’Américain Nouriel Roubini, qui avait prédit la crise des supbrime en 2007, et Hans-Werner Sinn, à la tête d’un institut d’études réputé en Allemagne (Ifo), l’Europe a tout à gagner à se séparer de la Grèce. Arguments avancés : Athènes ne représente que 2% du PIB de la zone euro. Son départ ne perturberait pas outre mesure l’équilibre de l’Union monétaire et pourrait même lui éviter une nouvelle récession. Une réthorique récemment reprise par le ministre français des Affaires européennes, Jean Leonetti. «L’euro et l’Europe peuvent survivre » à une sortie de la Grèce, a-t-il assuré, «ce n’est pas parce que la potion est amère qu’il ne faut pas la prendre, parce que le malade est très gravement malade». 
Une sortie permettrait à Athènes de déprécier sa monnaie nationale retrouvée, la drachme, et donc de renforcer sa compétitivité à l’exportation, tout en faisant tourner la planche à billets de banque centrale nationale pour ses besoins en financement, avancent les partisans de cette option. Cette hypothèse laisse toutefois de côté le lourd tribut que devront payer les ménages et les entreprises grecques, sommés de rembourser des dettes contractées en euros avec une monnaie dévaluée et confrontés à une chute de leur pouvoir d’achat, une probable flambée du chômage et une inflation galopante. Mais, la situation ne serait guère plus rose pour la zone euro, qui risquerait de déclencher le début de son démantèlement plus de dix ans après sa création. «C’est une idée assez allemande qu’on serait mieux sans la Grèce», met en garde Philippe Brossard, directeur de la société d’études économiques Macrorama. «Si tel était le cas, pourquoi aurait-on soutenu les Grecs ? Certainement pas par philanthropie, mais parce qu’il y a une imbrication extraordinaire entre les pays de la zone euro» avec des risques de réaction en chaîne, souligne- t-il. Premier risque, un scénario de contagion au secteur financier comparable au séisme constaté en 2008 après la faillite de la banque américaine Lehman Brothers. 
L’exposition des banques européennes à la dette grecque est connue mais les autres acteurs du secteur financier n’ont pas tous joué le jeu de la transparence, ce qui pourrait entraîner un phénomène de défiance et de nouvelles turbulences sur les marchés. Autre conséquence : la question sur toutes les lèvres sera «qui est le prochain?», résume Sony Kapoor, du centre de réflexion Re- Define. Craignant de nouvelles défections, les marchés risquent d’entrer dans une ère du soupçon en cherchant le prochain maillon faible de la zone euro en matière de dette. L’Italie sera la première dans leur ligne de mire. La troisième économie de la zone euro inquiète déjà au plus haut point. Elle est lestée par une dette de 1 900 milliards d’euros (120% de son PIB) et souffre d’une croissance atone depuis de nombreuses années. Le risque est donc que la prime de risque que doit payer Rome sur les marchés continue d’augmenter, rendant son financement encore plus difficile. «Au-delà de la satisfaction morale de se dire ‘’on s’est débarrassé du problème grec’’, le scénario est coûteux pour tout le monde», résume M. Brossard.

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