Le soutien d’Obama à Sarkozy, un tournant dans la campagne ?

LE PLUS. L’interview conjointe est un symbole fort : deux candidats à leur propre succession allient leur force. Toutefois, l’exercice reste à portée limitée à six mois de l’échéance française, dans une conjoncture incertaine et alors qu’Hollande n’est pas encore parti en campagne.
Par Aurore Gorius Journaliste
L’interview conjointe diffusée vendredi soir sur TF1 et France 2 est un joli cadeau de Barack Obama à Nicolas Sarkozy. Les deux hommes, pourtant, ne s’apprécient guère. Depuis 2007, les maladresses du président Français ont souvent agacé le locataire de la Maison Blanche dans un renversement des rôles inédits, Washington s’offusquant du manque de savoir-vivre affiché sans complexe par un cow-boy ayant fait ses classes à Neuilly, France. Drôle d’époque.
L’époque… Crise financière et économique aux parfums d’avant-guerre, échéances électorales des deux côtés de l’Atlantique : les dirigeants en place ont besoin d’afficher leur union face aux difficultés. Le message de vendredi était destiné aux opinions publiques des deux pays : « nous sommes aux commandes, nous travaillons main dans la main pour trouver ses solutions ». Restaurer la confiance, convaincre de l’efficacité de leur action : les deux présidents, candidats à leur propre succession, avaient un intérêt commun. Peu importe les inimitiés, donner des gages à des opinions publiques anxieuses est devenu un passage obligé.
Le coup de com’ bénéficie plus à Nicolas Sarkozy, en pleine reconquête de l’opinion, qu’au président américain (qui met son mandat en jeu six mois après son homologue, en novembre 2012). Le président a fait de ce G20 qui se tenait à Cannes (localisé en Espagne par CNN) un moment-clé de son retour au premier plan médiatique. Dans sa stratégie de « re-présidentialisation », le soutien du président américain est un argument de poids. Nicolas Sarkozy a d’ailleurs tenu à conclure l’interview par une référence à la Libye (« tous les soldats sont rentrés vivants »), l’œil soudainement humide. Un brin calculé, un tantinet too much, Mister président.
La popularité de Barack Obama devrait déteindre
Mais l’exercice devrait s’avérer efficace, au moins à court terme. Barack Obama jouit d’une jolie popularité en France. Le président français devrait capitaliser quelques points de sondages supplémentaires dans les jours à venir et confirmer ainsi sa dynamique ascendante depuis une semaine. Parler de tournant décisif dans la campagne présidentielle est cependant plus que prématuré.
A six mois du scrutin, dans une conjoncture des plus flottantes, l’incertitude règne. Les communicants de l’Elysée ont sorti le grand jeu – l’interview conjointe est une première – comme pour tenter de conjurer le pire. Si, par malheur, la crise économique devait s’aggraver en 2012, Nicolas Sarkozy essuierait un échec, qui serait sanctionné dans les urnes.
La campagne, quant à elle, n’a pas vraiment commencé. Foi de CSA ! Nicolas Sarkozy vient de donner, à dix jours d’intervalle, deux interviews en direct sur les deux plus grandes chaînes du PAF, mais elle ne seront pas décomptées de son temps de parole. Puisqu’il n’est pas candidat… CQFD. Plus sérieusement, pendant que les deux présidents enregistraient leur interview télévisée, François Hollande inaugurait la foire du livre de Brive-la-Gaillarde, en Corrèze.
François Hollande ne veut pas partir trop tôt
Dans la course qui les oppose, les deux concurrents français avancent en crabe. Hollande triomphe-t-il pendant les primaires ? Nicolas Sarkozy, bien malgré lui, est aux abonnés absents. Et depuis que le président orchestre son retour médiatique, le candidat socialiste temporise, fait volontiers profil bas. L’heure de l’affrontement n’a pas encore sonné et, sans adversaire réel, les points marqués sont loin d’être acquis.
Le timing sera un élément décisif, plus que n’importe quel coup de com’. Nicolas Sarkozy, désormais, ne voudra plus quitter la scène médiatique. Mieux, il ne le pourra plus. Après la reconquête, il annoncera sa candidature en février, avant de se lancer dans la dernière ligne droite. Du côté de François Hollande, en campagne depuis mars dernier, l’habileté politique consiste à ne pas partir trop tôt face à Nicolas Sarkozy, sans se laisser trop distancer.
Comme dans toutes les campagnes présidentielles, celui qui imprimera sa marque, fixera l’agenda, sera le probable vainqueur en mai. Le temps de la bataille des idées, des propositions et réponses concrètes à la crise devrait bientôt arriver (on a hâte, on l’espère !) L’affichage aux côtés du populaire Barack risque alors de ne plus peser lourd dans la balance, face aux attentes des électeurs. 
Le nouvel Obs, 5/11/2011

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