Revoilà Tarzan !, par Ahmed Halfaoui

Tarzan n’a jamais vraiment été loin. La preuve, il est revenu bien en chair et démultiplié, en autant de Tarzans utiles, remettre de l’ordre chez les indigènes. Il les avait laissés trop longtemps livrés à eux-mêmes et les «bons» parmi les indigènes, ses indigènes à lui, l’appellent à cor et à cri. Tarzan est cette transmutation du personnage d’Edgar Rice Burroughs, apparu en 1912. L’auteur, pourtant, avait un tout autre regard sur les choses. «Ils fuyaient devant les soldats de l’homme blanc qui les harcelaient pour l’ivoire et le caoutchouc qu’ils avaient tenté un jour de reprendre à leurs conquérants en massacrant un officier blanc et ses soldats noirs (…) 
Cette nuit, les soldats noirs de l’homme blanc se livrèrent à un massacre, et seule une petite troupe de rescapés de ce qui fut autrefois une puissante tribu parvint à se fondre dans la jungle épaisse, vers l’inconnu et la liberté», c’est dans ce style que Burroughs écrit. Plus tard, son héros est mis en scène pour d’autres desseins. Il sera la pointe avancée de la civilisation blanche contre les «mauvais» Africains. Puis, on l’a oublié, un temps. Il faut dire qu’il n’y avait pas matière à faire. Mais, de nouveau, les Tarzans s’agitent plus que jamais et se sont trouvés des «bons» et des «méchants», comme dans le bon vieux temps. 
Les «bons» indigènes, aussi, y vont de leurs encouragements, tel ce chroniqueur de chez nous qui se demande à haute voix s’il «fallait décoloniser», dans un papier semblant marquer son affliction vis-à-vis de l’anniversaire du déclenchement de la lutte de Libération nationale. Peu lui chaut qu’il a fallu se révolter contre la pire des conditions que l’homme ait pu subir. S’il s’interroge, ce n’est pas pour la forme, parce que l’on ne joue pas gratuitement avec ce genre de sujet. De plus, il ne pose pas d’autre choix que celui-là. Il ne se contente pas de remettre en cause et de dénoncer, comme cela devrait être, le mode de gouvernance du pays, il appelle Tarzan à son secours, en lui faisant part de ses regrets : «Fallait-il décoloniser ?». Le «maître blanc» lui manque, tout à coup, il le préfère à ses semblables indigènes. Car il n’a que cette solution à son problème, se mettre sous la protection qu’il a choisie. Devant des appels aussi pathétiques, les Tarzans ne se gênent plus pour offrir leurs services. 
En Libye, les «méchants» Libyens viennent d’en apprendre, à leur corps défendant, la signification. Les «bons», ceux qui ont appelé les Tarzans, ont eu leur «victoire» et les Tarzans ont pu pousser leur cri dans un monde qu’ils ont transformé en jungle. Avant d’en arriver à cette ultime issue, il y a toutes les situations intermédiaires. Il y a par exemple ces journalistes qui s’acharnent à traquer «la barbarie» et «les souffrances» et qui en trouvent à la pelle chez les «non blancs». Il y a, à ce titre, une mobilisation générale de tout l’arsenal médiatique pour mettre sous la loupe les «manquements» à ce qui est censé être la norme. Et, comme le hasard fait bien les choses, il n’est plus assez compliqué de trouver des «victimes» à exhiber et des «plaignants» à secourir. Il y a, bien sûr aussi, ces «attardés de l’anti-impérialisme», ces gêneurs en puissance, mais cela est une autre affaire.
Par Ahmed Halfaoui
Les Débats, 5/11/2011

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