par Saïd Mekki
Quand l’Europe est en crise, le Maghreb en subit les contrecoups. Mais de manière contrastée. Le choc sera plus conséquent pour le Maroc et la Tunisie que pour les pays pétroliers, l’Algérie et la Libye. Mais de manière générale la crise révèle, une fois de plus, le poids de l’absence d’un véritable marché maghrébin.
L’annulation du référendum en Grèce et la réunion du G20 à Cannes n’ont pas réussi à calmer les inquiétudes des marchés, les investisseurs continuant d’avoir les yeux rivés sur les pays en difficulté de la zone euro. Après la Grèce, l’Italie est au centre des préoccupations, avec des rendements de plus de 6,60% pour le papier à 10 ans, deux fois plus que ceux des emprunts allemands de même maturité. La crise de la dette publique des pays de la zone euro semble se propager irrésistiblement et elle aura certainement des impacts sur les économies du Maghreb. Ces impacts sont différents pour les économies pétrolières à forts excédents financiers, l’Algérie et la Libye, et celles qui dépendent plus fortement des IDE et de la rente touristique, Maroc et Tunisie. Dans l’état actuel de l’économie mondiale, caractérisées par une reprise de la production manufacturière chinoise après un trimestre de contraction, les prix du pétrole devraient se maintenir à leurs niveaux actuels. La croissance européenne, molle et inférieure aux prévisions de début d’exercice, conforte un scénario de stabilité des prix sauf si, et c’est loin d’être exclu, la zone euro devait connaître de très fortes turbulences. Dans une telle hypothèse, le dollar, monnaie de facturation des transactions sur les marchés pétroliers devrait se renforcer. Compte tenu de la corrélation historique entre la valeur du dollar et celle du baril, la hausse de la monnaie américaine pourrait induire une baisse relative des prix des hydrocarbures. Les marchés, algérien et surtout celui de la Libye – qui augure de mirifiques contrats de reconstruction et de réhabilitation des infrastructures -, risquent donc d’être les cibles privilégiées des industriels européens confrontés à une baisse de la demande sur leurs propres marchés et à la concurrence des BRICS.
QUAND L’EUROPE TOUSSE
En revanche, les économies marocaine et tunisienne devraient pâtir de la baisse des aides publiques européennes dont le niveau devrait se contracter du fait des déficits et de la priorité à la stabilisation des pays en difficulté et à la consolidation des moyens du Fonds Européen de Stabilisation Financière. Le ralentissement de l’activité, déjà perceptible en France et en Italie, impacterait directement les secteurs de sous-traitance au Maroc et en Tunisie. De plus, la hausse du chômage et la contraction des revenus des ménages européens dans un contexte de rigueur renforcée, affecterait le développement du secteur touristique, notamment en Tunisie qui traverse une délicate phase de transition politique. La dépendance des économies tunisienne et marocaine vis-à-vis de l’Europe pourrait donc coûter cher en termes de baisse des revenus externes mais aussi en termes d’investissements directs étrangers. L’accrochage en ordre dispersé des pays du Maghreb à l’économie européenne est un facteur d’accentuation des déséquilibres. Quand l’Europe tousse, la moitié de la région est grippée. La recherche d’autres partenaires, notamment les pays du BRICS et la Turquie, est donc naturellement un des axes principaux d’une politique de diversification très embryonnaire. Mais au-delà, la crise de l’Euro devrait donc inciter les Etats de la région à la création d’un véritable marché maghrébin fondé sur une stratégie d’intégration orientée vers le développement et la création d’emplois. Tant que cela ne fera pas partie d’un agenda réaliste, la vulnérabilité maghrébine aux soubresauts européens sera la règle.
Le Quotidien d’Oran, 8/11/2011
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