Nouvelle sortie de Mohammed VI: Le nouvel ordre maghrébin, selon Rabat

par Yazid Alilat 
 
C’est un discours particulièrement belliqueux que le Roi du Maroc a donné dimanche soir, à l’occasion de la commémoration de la tristement célèbre ‘’Marche verte », au cours de laquelle des centaines de milliers de Marocains ont été envoyés dans des conditions inhumaines, souvent à pied, occuper le Sahara Occidental en 1975.

Alors que la géopolitique du moment et à venir s’oriente vers la fin des régimes coloniaux, dépassés par l’histoire, le souverain marocain confirme qu’à Rabat, il n’y a point de changement. Il a ainsi directement accusé l’Algérie et le Front Polisario de séquestrer les populations sahraouies réfugiées dans les camps humanitaires dans les territoires libérés. ‘’Nos compatriotes dans les camps de Tindouf continuent de subir, dans une zone isolée et assiégée, les pires formes de privation, de répression, d’humiliation et de déni de leurs libertés et autres droits fondamentaux légitimes », affirme-t-il, avant de préciser ‘’notre refus de cette situation inhumaine et humiliante », qualifiant de ‘’détestables les manipulations politiciennes des adversaires de notre intégrité territoriale ». Reprenant le credo de la ‘’régionalisation avancée », la solution proposée par Rabat pour résoudre le cas sahraoui, le monarque veut convaincre que ‘’le Sahara marocain sera un véritable modèle de régionalisation avancée », promettant l’engagement du Maroc (…) à ‘’poursuivre sa coopération avec les Nations unies » pour parvenir à une solution négociée, mais, avec cette précision que cela se fera sur ‘’la base de notre initiative d’autonomie ». Il estime, par ailleurs, que le Front Polisario et le gouvernement sahraoui se sont ‘’autoproclamés représentants exclusifs des populations de la région, en s’obstinant désespérément à vouloir dissimuler le fait qu’ils ne disposent d’aucune assise juridique, d’aucun fondement populaire et d’aucune légitimité démocratique pour aspirer à la représentation des populations sahraouies. » Et dans la foulée d’un discours qui intervient à un moment où la contestation des réformes proposées par le Palais royal prennent de l’ampleur, il rêve encore d’un Maroc ‘’des régions », avec un Sahara Occidental définitivement occupé. Sur l’Algérie, et après l’avoir accusé, sans grands ‘’artifices » de soutenir le Polisario, et de vouloir diviser le Maroc, il revient un peu plus dans son discours avec un appel pour ‘’l’avènement d’un ordre maghrébin nouveau », c’est-à-dire avec un Maroc qui a des frontières très loin vers la Mauritanie, défalquées de la mention ‘’Sahara Occidental ». Sur ce point, il dira que ‘’dans cette perspective, le Maroc réitère sa disposition à tout mettre en oeuvre, tant sur le plan bilatéral – et notamment avec l’Algérie soeur, dans le cadre de la dynamique constructive actuelle – qu’au niveau régional, pour la concrétisation commune des attentes des générations présentes et à venir qui aspirent à l’avènement d’un ordre maghrébin nouveau. » ‘’Il s’agit d’un Maghreb qui transcende l’enfermement dans les postures figées et les antagonismes stériles, et qui ouvre la voie au dialogue, à la concertation, à la complémentarité, à la solidarité et au développement, un Maghreb qui, fort des cinq pays qui le composent, serait un véritable moteur de l’unité arabe, un partenaire agissant de la coopération euro-méditerranéenne, un facteur de stabilisation et de sécurisation de la zone sahélo-saharienne et un acteur structurant de l’intégration africaine ». Sauf que dans ce Maghreb idyllique vu à partir de Rabat, il n’existera point de peuple sahraoui indépendant, ni un quelconque processus d’autodétermination qui aura été organisé sous l’égide de l’Onu pour l’avenir politique de ce territoire. Sur les réformes politiques qu’il a imposées, notamment une nouvelle constitution qui lui permet de conserver ses pouvoirs, contrairement aux attentes et aux revendications de la rue marocaine et particulièrement le mouvement des jeunes du 20 février, il estime qu’elles sont de nature à s’intégrer dans le mouvement politique global qui traverse actuellement le monde arabe. Le discours du Roi Mohammed VI intervient pratiquement à moins de vingt jours d’élections législatives anticipées, décidées après le vote soviétique sur la nouvelle constitution le 1er juillet dernier. Enfin, le monarque marocain aura déçu la communauté internationale qui avait peut-être naïvement pensé qu’un jour le palais royal abandonnera ses visées expansionnistes et travaillera pour une paix définitive dans la sous-région maghrébine. 

 
Le Quotidien d’Oran, 8/11/2011

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