MECANIQUE LIBYENNE EN SYRIE

par M. Saadoune
Même s’il faut ne se faire aucune illusion sur l’amour des droits de l’homme des Etats membres d’une Ligue arabe entièrement sous contrôle des monarchies, il faut dire clairement que Damas a tout fait pour aboutir à la situation de «bannissement» actuelle. Le scénario libyen d’une intervention étrangère n’était pas inévitable ; il n’est plus exclu désormais. 
La formule laconique de Nabil Al-Arabi, SG de la Ligue arabe, annonçant l’examen de la «mise en place d’un mécanisme pour protéger les civils en Syrie» rappelle totalement le cas libyen. Ni les monarchies réactionnaires du Golfe, ni les fausses républiques «progressistes» arabes n’étant des modèles de démocratie et de respect des droits de l’homme, il faut prendre les mesures prises contre le régime de Damas pour ce qu’elles sont : elles ouvrent les options. Aucun Etat arabe n’osera intervenir militairement en Syrie, c’est donc au Conseil de sécurité que ce message-sanction de la Ligue arabe est envoyé. Et c’est ainsi qu’il a été compris par les Occidentaux. Damas en sera désormais réduit à compter ou à présumer que la Chine et la Russie, échaudés par le détournement des résolutions du Conseil de sécurité par les Occidentaux dans le cas libyen, continueront à user de leur veto. Moscou et Pékin sont effectivement réticents à des résolutions du Conseil de sécurité que les Occidentaux interprètent à leur guise, mais ils ont montré dans le passé récent que leurs positions ne sont pas figées. Et qu’ils peuvent évoluer au nom de leurs intérêts bien compris. 
Bachar Al-Assad avait encore, il y a plusieurs mois, des atouts en main pour aller vers une évolution pacifique. Il les a complètement dilapidés dans le sang des Syriens, qui ont montré qu’ils ne transigeront pas sur le fait que le régime politico-policier n’est plus acceptable. La brutalité et la ruse puérile d’un régime aux abois n’ont servi qu’à l’enfoncer davantage. Le régime syrien est isolé. Même ses alliés iraniens donnent ouvertement des signes d’impatience face à l’aveuglement des pontes d’un régime qui agissent en chefs de gangs de quartiers et non pas en responsables politiques. 
Le gouvernement syrien réclame aujourd’hui la tenue d’un sommet arabe. On se demande à quoi il peut servir ! A dire que le Qatar, l’Arabie Saoudite et d’autres agissent dans le cadre d’un agenda américain ? Et même si c’est le cas – dans ce domaine-là aussi, il ne faut pas faire les naïfs et croire que les émirs et les rois sont devenus des défenseurs de la démocratie –, cela n’enlève rien à la responsabilité totale et absolue des dirigeants syriens. 
Il était évident depuis au moins sept mois que le régime était délégitimé politiquement. Et que s’il restait une once de responsabilité chez les dirigeants, elle consistait à en prendre acte. Et à organiser dans l’ordre le démantèlement de ce régime, mais sans ruse, et avec la participation effective des forces politiques du pays. Le régime a choisi de réprimer, de ruser, de louvoyer et de mettre le pays en risque de guerre civile et d’intervention étrangère. 
Désormais, la mécanique libyenne est en place, même si des dirigeants arabes continuent de dire qu’ils sont contre l’intervention étrangère. Message puéril. En réalité, la Ligue arabe, comme dans l’affaire libyenne, a fait le désaveu qui ouvre le chemin à une gestion extérieure de la crise syrienne. Elle s’en lave les mains. Cela se passera de plus en plus entre les Occidentaux et la Chine et la Russie.
Le Quotidien d’Oran, 14/11/2011

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