L’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord n’a pas réussi entièrement ses objectifs en Libye. Il ne s’agit pas ici de la destruction de l’Etat libyen, ni de l’installation de ses propres Libyens à la tête du pays, choses accomplies. Il s’agit plutôt de sa tentative de faire passer sa mission pour une «protection des civils» et pour une assistance à l’instauration d’une ‘’démocratie’’. Pour les civils, l’OTAN ne pourra pas cacher indéfiniment les dizaines de milliers de morts que ses bombardiers ont déchiquetés ou que ses supplétifs ont égorgés. Pour la ‘’démocratie’’, elle ne pourra empêcher la réalité du pouvoir fantoche qui a succédé à Kadhafi. Sans préjudice de la gouvernance musclée qu’il faudra exercer pour tenir en respect un peuple (y compris les ‘’révolutionnaires’’) habitué à des prodigalités socioéconomiques sans pareille dans le monde et qui, du jour au lendemain, devra se faire aux rigueurs financières de l’économie de marché. Mais, était-ce dans ses préoccupations de tenir réellement compte de l’opinion publique ? L’aventure libyenne est désormais entrée dans sa phase décisive. Le partage de la proie. Les plaintes des victimes, les invectives des gens de bien et les éventuelles pantomimes des organismes officiels des droits de l’Homme, ne feront pas ciller les chargés d’affaires, tout à leur frénésie de s’assurer une part de marché. Et le débat fera beaucoup de déçus parmi les prédateurs de la première heure. Les plus perspicaces des observateurs le disent : «Ils ont tué pour presque rien.» Ce seront les Etats-Unis qui mèneront la danse. On a vu cela le «jour de la victoire» quand ce fut la ‘’Charia’’ à la place de ces jeunes gominés et de ces filles arborant le drapeau tricolore en logo sur leurs joues. On s’est fait une quasi certitude quand on a appris que le Qatar avait 5.000 hommes au sol et que le Premier ministre désigné est sorti directement d’une valise étatsunienne. Sa première tâche sera de s’entourer d’un personnel présentable et convaincu de servir le puissant du moment. Les Libyens attendront qu’on leur concocte des élections et qu’on trouve des solutions appropriées à leurs propensions culturelles bédouines. Le plus urgent est de rétablir le fonctionnement de la pompe à dollars. Et, comme dans tout milieu régi par la violence, ce seront les plus forts du moment qui se serviront les premiers et qui s’approprieront les lots les plus juteux. Les comparses attendront leur tour dans le strict respect de la hiérarchie. Inutile de se demander ce que deviendront ceux qui nous ont été exhibés, un jour, sur le perron de l’Elysée. Leur rôle est terminé. L’un d’entre eux, Mahmoud Jibril, a déjà pris le parti de se retirer de lui-même. Les autres suivront ou seront poussés à le faire. Reste, tout de même, l’hypothèse forte d’une lutte armée entre les différentes factions et entre les chefferies de tribus qui aspiraient à des parcelles de pouvoir. Soyons assurés que ce sera plus un bien qu’un mal pour les maîtres de l’ouvrage. Parce que ce sera une justification plus forte que la résolution 1973 pour s’installer avec armes et bagages, pour protéger les installations pétrolières et leur exploitation.
Par Ahmed Halfaoui
Les Débats, 19/11/2011
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