par K. Selim
Il est toujours réjouissant, même pour ceux qui n’ont plus grande illusion, de voir des officiels algériens et marocains se rencontrer. C’est mieux que les bouderies, les campagnes de presse sans fin et, c’est plus récent, la guéguerre des hackers. Tout cela relève du puéril. Mais ces rencontres, même si elles se développent et essayent de prendre un tour concret, restent très en deçà du minimum. Les relations entre l’Algérie et le Maroc n’atteignent même pas le niveau de l’ordinaire, alors qu’elles doivent être plus que cela.
Que M. Mourad Medelci discute affaires bilatérales avec son homologue marocain, Taïb Fassi Fihri, en marge de la 4e session du Forum de coopération arabo-turc à Rabat, est donc une bonne chose. La communication du ministère des Affaires étrangères algérien pèche par la généralité ; c’est donc très naturellement celle des Marocains, plus percutante, qui retient l’attention. M. Fihri juge «anormal de ne pas avoir une relation normalisée» avec l’Algérie. Il a également évoqué la coopération en cours entre les deux, en indiquant que le processus «se déroule bien» et «débouchera sur une normalisation complète de nos relations». «Les deux pays décideront dans un avenir très, très prochain de la prochaine étape», a-t-il dit.
Il faut espérer que cette annonce ne sera pas aussi vaine que celles qui ont été faites par le passé. Et il faut espérer que les réflexes pavloviens ne l’emporteront pas sur la réflexion. On peut continuer à soutenir le droit des Sahraouis à l’autodétermination, sans que cela constitue une entrave à la normalisation des relations entre l’Algérie et le Maroc, qui passe, c’est une évidence aussi, par la réouverture des frontières. Le discours du ministre marocain des Affaires étrangères souhaite cette normalisation, tout en prenant acte de la divergence sur la question du Sahara Occidental.
C’est une évolution. Et c’était bien la position de l’Algérie il y a encore quelques années. En 2004 encore, des officiels algériens expliquaient à leurs homologues marocains – qui étaient fermés et obtus à l’époque – que la question du Sahara Occidental ne devait interférer ni sur les rapports bilatéraux ni sur le processus maghrébin. L’argument massue est que le conflit du Sahara Occidental n’a pas empêché l’élan de Zéralda en 1988, qui a mené au traité de Marrakech sur l’UMA en 1989. C’est une position juste qui consiste à ne pas faire de la question du Sahara Occidental – traitée au niveau de l’Onu – une source de blocage permanent de la relation bilatérale et du processus maghrébin. C’est une vision pragmatique qui n’implique donc pas un renoncement à un principe ou à une politique.
Le paradoxe permanent dans notre région est que les officiels n’ont jamais les mêmes positions au même moment. Aujourd’hui que les officiels marocains semblent enfin croire que l’on peut avancer sans s’entendre sur le Sahara Occidental, c’est la partie algérienne qui paraît moins enthousiaste. Bien entendu, il ne faut pas faire les naïfs. Mais on ne gagne rien à figer les relations algéro-marocaines dans la crise de 1994. Il faut avancer. Et le moindre des progrès serait au moins de revenir à la situation d’avant 1994, où les frontières n’étaient pas fermées malgré la divergence sur le Sahara Occidental et d’autres sujets qui fâchent. Il est temps en effet que la réflexion prospective l’emporte sur le réflexe pavlovien.
Le Quotidien d’Oran, 19/11/2011
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