Après sa victoire électorale historique et à une écrasante majorité : 186 sièges sur 350. Le Parti populaire espagnol est en mesure de gouverner, seul, le pays. Son leader, Mariano Rajoy, 56 ans, tombeur du socialiste Zapatero qui avait jeté l’éponge bien avant les élections en avançant le scrutin sera investi Premier ministre, le 20 décembre. Mariano Rajoy hérite d’une Espagne exsangue, laminée par trois années d’une grave crise économique. Le pays, qui était sorti début 2010 d’une récession de plus de 18 mois, menace d’y replonger. Le PIB devrait croître d’à peine 0,7% cette année et en 2012, selon la Commission européenne.
L’Espagne détient aussi le triste record du taux de chômage le plus élevé de la zone euro : il touche désormais 21,52% de la population active et 45,8% des jeunes. Près de 5 millions d’Espagnols sont sans emploi, et près d’un quart (22%) des familles vit sous le seuil de pauvreté. Le secteur immobilier est toujours aussi sinistré et les banques espagnoles présentent d’importants risques systémiques. Le nouveau Premier ministre va devoir agir très vite : l’Espagne est dans l’oe il du cyclone des marchés – ses taux d’emprunt à dix ans ont atteint le niveau record de 7% la semaine dernière.
Pour les rassurer, Mariano Rajoy a promis de redresser coûte que coûte les finances publiques du pays. Il s’est engagé à ramener le déficit à 4,4% du PIB, l’an prochain, et 3% en 2013, alors que l’objectif de 6% pour cette année semble déjà compromis par le dérapage des comptes publics des 17 régions semi-autonomes d’Espagne. Le déficit atteindra 6,6% du PIB cette année. L’effort que l’Espagne va devoir fournir l’an prochain s’élève ainsi à plus de deux points de PIB, soit 21 milliards d’euros d’économies supplémentaires. La rigueur s’annonce donc encore plus dure pour les Espagnols, a d’ores et déjà annoncé Mariano Rajoy.
Le leader du PP a soigneusement évité de détailler son programme et les mesures d’austérité qui y sont inscrites pendant la campagne, les coupes sociales recueillant rarement un large soutien populaire. Il a assuré que son parti n’augmentera pas les impôts, ne réduira pas les pensions de retraites et ne touchera pas à la santé ou à l’éducation. Il entend faire subir une «cure d’amaigrissement» à l’administration, et notamment aux régions semiautonomes. Fort de sa majorité – le PP dirige 11 régions sur 17 et devrait ravir l’Andalousie aux socialistes en mars 2012 -, devrait faire voter une loi interdisant aux collectivités d’être en déséquilibre budgétaire. Ce qui annonce, quoi qu’en dise Rajoy, des coupes claires dans le social, la santé et l’éducation qui représentent 60% du budget des régions. «Ces coupes franches, à travers les régions et cette obligation de déficit nul, sont une hérésie économique, estime Ludovic Subran, chef économiste. Les régions sont au coeur de la relance de la croissance en Espagne. L’Espagne a beaucoup à jouer sur sa régionalité pour raffermir la reprise et leur imposer des cures d’austérité sans discernement menace la reprise qui est déjà très fragile.» L’autre chantier annoncé par le PP est l’assainissement du secteur bancaire, en particulier des caisses d’épargne régionales, source récurrente d’inquiétudes pour les marchés. Durant le boom de l’immobilier, les banques espagnoles ont prêté à tout-va aux promoteurs immobiliers comme aux ménages. Elles détiennent quelque 176 milliards d’euros de créances douteuses. L’Autorité bancaire européenne (EBA) a chiffré récemment à 26 milliards d’euros les besoins en recapitalisation des cinq plus grandes banques espagnoles, un des montants les plus élevés en Europe. Mariano Rajoy entend obliger les banques à augmenter leur ratio de fonds propres et à se recapitaliser à la hauteur de leurs besoins. Ce qui n’est pas clair, c’est comment, vu que l’État n’a plus de marge de manoeuvre budgétaire. L’appel au FESF, ainsi que la création d’une «bad bank» regroupant ces mauvais actifs ont été évoqués. Ces mesures de redressement des finances publiques et d’assainissement du secteur bancaire rassureront certainement les marchés à court terme. Selon plusieurs économistes espagnols, il va falloir en faire bien plus pour résorber le chômage et relancer l’activité. «Il faut mettre en place des mesures de soutien en faveur des PME exportatrices, car le commerce extérieur est le seul moteur actuellement de la croissance, détaille-t-il. Ensuite, il faudrait créer des emplois publics aidés, ciblés sur les jeunes.
Sur le plan extérieur, le gouvernement Rajoy devrait réorienter la diplomatie espagnole et assurer un meilleur équilibre de ses relations avec l’Algérie, Zapatero s’étant complètement aligné sur le Maroc pour ce qui est de la question du Sahara occidental, oubliant la responsabilité historique de l’Espagne vis-a-vis du peuple sahraoui et de son indépendance. Dans son message de félicitations à Mariano Rajoy, le président sahraoui, Mohamed Abdelaziz, estime que «le futur gouvernement en Espagne sera en mesure d’assumer sa responsabilité historique conformément au droit international, dans la recherche d’une solution juste et durable au conflit du Sahara occidental». Le président sahraoui de la République a assuré le chef du PP, Mariano Rajoy, de trouver en la direction politique sahraouie «un interlocuteur attentif et disponible pour mener à bien cette mission.
Mokhtar Bendib
Le Courrier d’Algérie, 23/11/2011
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