Changement ou régression ?

La vague islamiste continue de se propager comme une fatalité dans la région de l’Afrique du Nord. Moins d’un mois après la victoire du parti islamiste Ennahda en Tunisie aux premières élections organisées après la chute de Ben Ali, le Parti pour la justice et le développement (PJD), d’obédience islamiste, a revendiqué hier la victoire aux premières élections législatives tenue après l’annonce des réformes voulues par le roi Mohammed VI.

A la veille de ce scrutin, tous les médias internationaux, d’une voix unanime, donnaient les islamistes comme gagnants, tout en tentant de minimiser le danger que cela représenterait pour la stabilité du pays, et en décrivant le PJD comme un parti «modéré», acceptant le jeu de la démocratie, voire malléable à souhait. D’aucuns ont loué l’engagement du roi pour la mise en oeuvre des réformes promises en juin dernier. Ce dernier voulait, en fait, anticiper les événements, pour parer à d’éventuels troubles dans le pays dans le sillages des révoltes qui secouaient le monde arabe depuis janvier dernier et entraîné jusque-là la chute de trois régimes et plongé tant d’autres dans l’instabilité et le chaos. En attendant donc l’annonce des résultats définitifs, prévue pour aujourd’hui, le PJD a revendiqué vendredi soir la victoire en nombre de sièges. Sur les 395 sièges que compte la chambre des représentants, le PJD se dit parti pour obtenir 90 à 100 sièges. Une majorité relative qui lui permettrait tout de même de siéger au gouvernement Si, officiellement, le PJD, à l’instar d’Ennahda tunisien, se défend de toute idée d’imposer un ordre moral islamique stricte sur la société et défend, il est un fait que la montée de cette mouvance va changer radicalement la donne politique dans le pays, puisque pour la première fois dans l’histoire du pays, un islamiste serait à la tête de l’Exécutif. Même si le souverain garde la haute main sur les principaux leviers de pouvoir ainsi que sur les affaires religieuses, le terrain de prédilection naturel des fondamentalistes. Cela dit, cette situation va contraindre le Palais à composer avec la nouvelle réalité dans le pays, et aura désormais des difficultés à gérer toutes les contradictions et les luttes qu’engendrerait ce sentiment de puissance chez les islamistes désormais au pouvoir. Il sera aussi question de faire face à la mouvance radicale, représentée par El Adl et Ilhsan, parti interdit mais qui constitue toujours une force dans le pays. Quel impact sur l’Algérie ? Première incidence de cette victoire retentissante des islamistes au Maroc sur l’Algérie : le risque d’émulation. Tous les partis islamistes algériens se sont déjà mis à croire à leur destin, en commençant à montrer des dents – le jeu trouble de Soltani – et en s’affichant comme l’alternative au pouvoir en place, en usant des subtilités du discours modéré à la tunisienne. A quelques mois des législatives, le remue-ménage dans les appareils politiques, notamment islamistes, avec tout ce qu’on fait circuler sur une probable participation d’anciens membres du FIS, laisse croire à une offensive islamiste aux prochaines élections. Avec l’affaiblissement du parti majoritaire et l’effritement des démocrates, les MSP, Ennahda et autre Islah (en attendant l’agrément du nouveau parti de Djaballah) pourraient bien croire à leur chance de remporter le scrutin, et surtout d’être admis par l’opinion nationale et internationale. Au plan bilatéral, la montée des islamistes au Maroc risque d’accentuer les désaccords entre Alger et Rabat sur les principales questions de discorde. Parce que les dirigeants du PJD sont connus pour leur zèle sur des questions comme celle du Sahara Occidental, et seront moins favorables à la coopération entre les deux pays sur des questions stratégiques comme la lutte antiterroriste.
Mussa A.
La Nouvelle République, 27/11/2011

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