MOHAMMED VI A ANTICIPÉ SUR LES ÉVÉNEMENTS : Comment le roi a fait danser son monde

Bien avant d’arriver à ces élections législatives anticipées, le roi Mohammed VI a mis en place une stratégie à la limite du machiavélisme mais qui a payé pour la stabilité de son pays. Ayant pressenti l’ondede choc des soulèvements arabes, le roi a convié spécialistes, experts et centres de recherches marocains et occidentaux à prendre part au montage de ce que ses détracteurs appellent «la comédie makhzenienne».
Un haut responsable américain a fait une visite au Maroc, au lendemain des fameuses manifestations du 20 février 2010, organisées à travers les grandes villes du Royaume. Le responsable américain, dont la visite a été divulguée par le magazine Jeune Afrique, s’est longuement entretenu avec nombre de conseillers de Mohammed VI, et des recommandations ont été soumises au souverain. Cela, en plus d’une centaine de centres «think tanks (laboratoires d’idées)» marocains, américains et français qui ont été appelés pour la circonstance. Ces think thanks n’ont pas perdu une seconde des changements intervenus dans le Monde arabe en général et l’effet de contagion, en particulier que ces révoltes pourraient produire au Royaume chérifien. Leur apport était considérable pour esquisser les contours d’un nouveau royaume, un «Maroc version 6» est alors conçu. Ainsi, au premier jour des manifestations initiées par le Mouvement du 20 février, Mohammed VI a donné le coup d’envoi de l’édition du grand festival musical: «Mawazzine», à travers tout le Maroc. Des grandes stars du pop, du jazz, du soul, du funk… ont été accueillies. Chaque ville du Maroc a eu grâce aux bons soins du Makhzen son chanteur préféré. Le grand chanteur algérien Idir pour les Berbères, du Reggae pour les quartiers urbains, et artistes, tout aussi connus à l’échelle internationale, à l’instar de Roger Hodgson, du célèbre groupe Supertramp, accompagné du prestigieux Orchestre symphonique royal marocain, Julian Marley, Cristina Branco, Arshad Ali Khan, Hindi Zahra…se sont produits, quant à eux, dans les quartiers huppés du Royaume. De jour comme de nuit, Sa Majesté le roi avait fait danser son monde à satiété. «La théorie du sujet et de la citoyenneté» discutée dans les rues est battue en brèche par les stratégies des gardiens du temple.
Les concepteurs du festival ont su distribuer les cartes gagnantes et rafler la mise contre les appels du Mouvement du 20 février contre la politique de Mohammed VI. Une demande d’annulation de ce festival a été introduite par le Mouvement. Celle-ci est aussi motivée, selon ledit Mouvement, par la conjoncture régionale et marocaine. «L’organisation de ce festival intervient dans un environnement qui ne correspond pas à la logique du changement qui souffle sur la Nation arabe», ont déclaré les membres du Mouvement, avant de qualifier cette grande manifestation artistique largement médiatisée par des médias marocains et occidentaux, d’un «complot makhzenien pour droguer le peuple… Un crime culturel». Des millions de dollars ont été gaspillés rien que pour inhiber tout un peuple. Quelques jours après le festival, le roi Mohammed VI, bien conseillé de l’extérieur, s’est imposé et répliqué en véritable chef d’Etat. Amendement de la Constitution et organisation des élections législatives anticipées ont été concrétisés. 
Sur le plan institutionnel, il n’y a pas eu vraiment de changement, puisque le but n’étant pas de procéder à un changement de régime comme en Tunisie le mois dernier, mais d’éviter la vague des révoltes arabes. De fait, chaque force politique en présence au Maroc a son propre enjeu et son rôle à jouer. Pour le Palais royal, une grande partie des élites et les partenaires du Maroc, il s’agit de mettre fin au mouvement de contestation politique qui a débuté le 20 février. Alors que pour les partis politiques classiques, ces derniers cherchent à décrocher les sièges qui leur permettraient de poursuivre leurs affaires. Néanmoins, les experts soutiennent que le Maroc n’étant pas une île coupée du monde, il subira, d’une manière ou d’une autre, les conséquences de ce qui se passe chez ses voisins.
L’Expression, 26/11/2011

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