par Kharroubi Habib
Avec probablement plus de 80 sièges dans son escarcelle quand les résultats finaux du scrutin de vendredi dernier seront officiellement promulgués, le parti islamiste «modéré» de la Justice et du Développement (PJD) devient la formation prédominante dans la nouvelle Assemblée nationale marocaine. Conformément aux dispositions de la nouvelle constitution du Royaume, c’est donc au sein du PJD que Mohammed VI choisira la personnalité à qui confier la formation et la conduite du premier gouvernement marocain post réforme.
Déjà à ce stade, la formation islamiste pourra peut-être mesurer que la réalité du pouvoir, réforme ou pas, reste entre les mains du monarque. Celui-ci est susceptible en effet de désigner à la primature du gouvernement une tout autre personnalité du PJD que son chef Abdelilah Benkirane, pourtant le préféré de la base et des sympathisants du parti. Des sources bien informées donnent la chose comme quasi certaine, au regard de la méfiance qu’ont le Roi et son entourage à l’égard du chef du PJD, malgré qu’il ait renoncé aux positions franchement islamistes teintées de salafisme ayant été son fonds de commerce et qu’il multiplie les manifestations d’allégeance à la monarchie et à la personne du Roi. Il restera ensuite au PJD à négocier des alliances pour pouvoir former un gouvernement et puis gouverner.
C’est que la formation islamiste marocaine qui arrive au pouvoir se retrouve avec le même handicap que celui que son homologue tunisienne, Ennahda, a dû surmonter. Celui d’être effectivement vainqueur des élections mais de ne pas disposer de la majorité parlementaire requise pour gouverner seul. Tout comme en Tunisie, il se trouve au Maroc des partis représentés à l’assemblée parlementaire que l’alliance avec le PJD ne rebute pas. Ceux qui forment la Koutla (Istiqlal, Union socialiste des forces populaires – USFP – et le Parti du progrès et du socialisme – PPS) et ont constitué l’ossature du gouvernement sortant. L’Istiqlal, dont le chef est le Premier ministre sortant, a déjà fait savoir qu’il ne refuse pas le principe de l’alliance avec les islamistes du PJD. Mais pour que le PJD parvienne à contracter des alliances, il va lui falloir, tout comme Ennahda, mettre en veilleuse certaines de ses promesses électorales d’inspiration islamiste que ne partagent pas ses éventuels futurs partenaires. Ce faisant, il encourt très vite le risque de décevoir une partie de sa base militante et de son électorat, aux yeux de qui ce sont justement ces promesses qui distinguent le PJD des autres partis.
L’obligation dans laquelle l’a mis un mode électoral savamment conçu pour rendre impossible qu’un parti accède seul à la majorité parlementaire, l’oblige par conséquent à s’allier à des partis qui, même s’ils ont encore des élus à l’Assemblée nationale, ont perdu tout crédit dans l’opinion. Ce qui n’est pas pour entretenir la dynamique de sympathie dont il a bénéficié pour le scrutin de vendredi et éloignera de lui ceux qui ont cru qu’avec son arrivée au pouvoir, c’en était fini des combines d’appareils partisans qui ont donné les gouvernements potiches s’étant succédé aux commandes du pays sans jamais honorer leurs promesses électorales.
Le Quotidien d’Oran, 2/11/2011
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