Tariq Ramadhan épingle l’Arabie saoudite et l’accuse de jouer, en Egypte, les salafistes contre les Frères musulmans. Petit-fils de Hassan El-Banna – fondateur de la confrérie des Frères musulmans– , l’islamologue suisse d’origine égyptienne pointe du doigt les manœuvres de Ryad dans l’Egypte de l’après-Moubarak. Les salafistes «bénéficient du soutien financier et idéologique» du royaume wahhabite, souligne l’islamologue dans une interview publiée hier par le site Internet de l’hebdomadaire français Le Point. Engagés sous la bannière du parti radical Al-Nour, les salafistes ont remporté 22 % des suffrages au premier tour des législatives égyptiennes. Les Frères musulmans du PLJ s’acheminent vers une victoire au Parlement, la première dans l’histoire de l’Egypte contemporaine. En les finançant, Ryadh «leur donne la possibilité de s’exprimer sur le terrain». Mais quel est l’intérêt géopolitique des wahhabites quand ils jouent une mouvance islamiste contre une autre. Les Saoudiens «pourraient créer la division en Egypte afin de neutraliser la force des Frères musulmans», estime le petit-fils de Hassan El-Banna. «Toute la question est désormais de savoir où vont se positionner les Frères», s’interroge l’intellectuel suisse, auteur d’un récent essai, L’islam et le réveil arabe, publié aux Presses du Châtelet.
Une vraie fracture entre les salafistes et les Frères musulmans
Autre question soulevée par Tariq Ramadhan au détour de son échange avec Le Point.fr : les Saoudiens «vont-ils faire alliance avec les salafistes, en tant que mouvement islamique ?». Et l’islamologue de s’essayer à une lecture : «Le souci est que l’idéologie salafiste prônée en Arabie saoudite considère que les Frères musulmans sont sortis de l’islam». De surcroît, l’intellectuel suisse d’origine égyptienne parle d’une opposition entre les deux courants. «Contrairement à ce que l’on croit, ce ne sont pas 60% d’islamistes – l’addition des scores des Frères musulmans et des salafistes – qui gagnent aujourd’hui en Egypte. Il y a une vraie fracture entre les deux courants.» En tout état de cause, estime-t-il, une alliance entre les salafistes et les Frères musulmans «serait synonyme de théocratie et donc de fin du processus de réformes de type turc ou tunisien».
Les Frères musulmans tentés par une négociation avec l’armée ?
Interrogé sur la manière dont Washington réagirait au soutien de Ryad en faveur des salafistes égyptiens, Tariq Ramadhan balaie l’hypothèse d’une crainte dans les allées de la Maison-Blanche. «Alliés de l’Arabie saoudite, les Etats-Unis n’ont aucun problème avec le salafisme saoudien – même s’il est très conservateur et va jusqu’à établir des châtiments – dès lors qu’il protège leurs intérêts». Justement. Les Saoudiens ne s’engageraient pas à soutenir les salafistes contre les Américains en Egypte. C’est un sujet beaucoup trop sensible et explosif. Le soutien saoudien aux littéralistes pourrait être au contraire le meilleur moyen d’imposer aux Frères musulmans de n’avoir d’autre solution que de négocier avec l’armée. A l’heure des élections, observe Le Point.fr, l’Egypte de l’après-Moubarak nourrit une contradiction aux yeux des observateurs politiques : d’un côté, Ryad soutient les salafistes ; de l’autre, son allié américain se range du côté de l’armée du général Tantaoui. Tariq Ramadhan n’y voit pas une contradiction. «Les Saoudiens ne s’engageraient pas à soutenir les salafistes contre les Américains en Egypte. C’est un sujet beaucoup trop sensible et explosif. Le soutien saoudien aux littéralistes pourrait être au contraire le meilleur moyen d’imposer aux Frères musulmans de n’avoir d’autre solution que de négocier avec l’armée», argue-t-il.
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