Le visage débonnaire, les yeux luisants et le teint chocolaté de Baba Laddé trompent lourdement sur les intentions de l’homme. L’homme dit être à la tête de centaines de combattants tchadiens très armés. C’est un peu le pendant tchadien de Ibrahi Ag bahanga, mort récemment à Kidal suite à un banal accident. Baba Laddé cherche à fédérer les Peuls de toute la vaste bande saharo-sahélienne. Général autoproclamé, il affirme que son voeu est de renverser Idris Déby et de prendre le pouvoir au Tchad. Pour faire plus inquiétant, il a appelé à une alliance de tous les groupes armés du Sahel, Peuls, Aqmi, Polisario et Touareg réunis. Son ambition démesurée et son esprit farfelu font sourire, mais l’homme possède des milices armées, lance des attaques et ambitionne d’avancer vers l’ouest, c’est-à-dire vers le Niger, le Mali et la Mauritanie, donc aux frontières sud de l’Algérie, où il souhaite rencontrer les rebelles du nord Mali, les membres d’Al Qaida au Maghreb, les Peuls de l’Afrique de l’ouest et les militaires du Front Polisario. Bien sûr, c’est un peu trop pour un seul homme, mais la menace terroriste vaut ce qu’elle vaut, et elle est toujours prise avec le maximum de sérieux par les services de sécurité. Les sources tchadiennes affirment qu’il s’agit d’un ancien sous-officier de l’armée tchadienne originaire du Mayo- Kebbi, qui a fondé le Front populaire pour le redressement, une milice dont les membres sont équipés de kalachnikovs mais aussi d’arcs et de flèches empoisonnées. Profitant de la faiblesse de l’armée centrafricaine, Baba Laddé se rend parfois à Bangui pour s’y ravitailler. Dans une récente déclaration, il appelle à une grande alliance entre les Touaregs, Aqmi, les indépendantistes de l’Ogaden, les Sahraouis du Polisario (du Sahara Occidental, anciennecolonie espagnole envahie par le Maroc en 1975, ndds) et, bien sûr, les Peuls. Les présidents Bozizé et Déby, qui commencent à s’inquiéter de sa capacité de nuisance, réfléchissent à une opération militaire conjointe. Pour le moment, ses turbulences sont suffisantes pour inquiéter le Tchad et la Centrafrique. Mais s’il avance vers l’ouest, il faut le mettre sous la loupe, estime le renseignement des pays du sahel, qui craint que le général autoproclamé ne soit soutenu en soussol par Paris, à laquelle rien n’échappe dans une région où elle a des unités militaires opérationnelles depuis plusieurs années.
Fayçal Oukaci
Fayçal Oukaci
Le Courrier d’Algérie, 26/12/2011
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