Par BOUHALI Abdellah
On parle maintenant de la victoire de l’«islamisme modéré» au Maroc après celle qui a changé la donne dans les pays arabes touchés par le vent de révolte. L’avenir nous dira comment cette tendance jusque-là crainte par les pouvoirs autant que par l’Occident va s’y prendre pour assurer une transition difficile, à partir du discours religieux pris en guise d’idéologie. Il ne s’agira plus à présent de se cacher derrière la morale et la vertu comme paravent de l’opposition en comptant sur la mobilisation populaire, mais d’aller au front pour régler les problèmes de la société. Le chômage, la croissance économique, les relations internationales, le logement, la santé et la justice pour n’en citer que quelques-uns. D’autant que deux ministères de souveraineté ont été pris d’assaut par le PJD : les affaires étrangères et la Justice. Concernant les AE, le gouvernement marocain fraîchement installé doit régler des questions aussi sensibles que celle du Sahara, de la lutte contre le terrorisme, de l’émigration clandestine, des frontières et de la place de pays au sein de l’UMA et de l’UA. Un mandat ne saurait à lui seul permettre d’ouvrir, d’étudier, d’analyser toutes les facettes des dossiers et de prendre des décisions sans en référer au palais qui continue d’avoir la mainmise sur le cours des évènements et qui peut avoir un droit de veto sur les aspects qui touchent à des intérêts acquis. En plus, il faut pouvoir détenir les moyens de sa politique à savoir le nerf de la guerre. Concernant la justice, les promesses risquent de ne pas être tenues et la principale d’entre elles : la lutte efficace contre la corruption. Comment arriver à traduire en justice et à faire condamner les barons de la monarchie, principaux artisans de la corruption, sans soulever un vent de panique qui peut se solder par une fuite des investissements et jouer contre les objectifs à atteindre ? Exercice difficile dans un pays qui se situe en bonne position parmi ceux où la corruption touche la société de bas en haut et où la drogue constitue le soubassement de bien des enrichissements. Quand bien même la volonté d’agir des islamistes est forte, du moins en apparence, elle ne paraît pas suffire à nettoyer la mauvaise graine suffisamment protégée par ses commanditaires et dont les ramifications dépassent les frontières marocaines. L’essentiel n’est donc pas de prendre le pouvoir comme cela semble le cas y compris par la voie démocratique mais de le conserver durablement. En face, ceux qui ne voulaient pas des élections avant de prononcer la constitutionalité de la monarchie, restent aux aguets et attendent le moindre faux pas pour mobiliser leurs troupes. L’avenir risque d’être riche en sursauts, l’essentiel étant qu’une dynamique nouvelle est née.
Le Carrefour d’Algérie, 5/1/2012
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