Normaliser la situation avec les voisins

L’Algérie n’a pas le temps d’attendre que les nouveaux dirigeants post-révolutionnaires arabes se tournent vers elle par la force de la realpolitik et que les relations aujourd’hui confuses se normalisent et se stabilisent pour que tout redevienne comme avant. Elle n’a pas le temps, et les risques encourus que comporte pour elle la situation présente sont bien réels. Il lui incombe de prendre des initiatives pour espérer les atténuer. Si Bouteflika se rend à Tunis pour y fêter le premier anniversaire de la « révolution du jasmin », ce serait bien la première victoire diplomatique qu’il obtiendrait après le grand ratage libyen et les hésitations actuelles sur la Syrie. En l’invitant à participer à une telle cérémonie, ô combien symbolique, la nouvelle Tunisie le reconnaît implicitement comme un ami, et non pas seulement comme un partenaire incontournable. 
Si l’Algérie, à travers son pouvoir actuel, est admise chez ce voisin qui passe pour avoir été le précurseur d’une nouvelle ère arabe, elle peut espérer l’être ailleurs, surtout en Libye et en Egypte. Et désamorcer les entreprises de tous ceux qui, sur les plans interne ou externe, voudraient plutôt l’assimiler au camp honni des dictatures déchues ou isolées – ainsi que de ceux, les islamistes en tête, qui comptent de cette façon transformer les prochaines législatives en un moment de triomphe déjà prévu pour 1991 et enfin réalisé en 2012. Bouteflika a donc tout intérêt à se rendre à Tunis et d’y fêter une révolution qui n’aura pas lieu chez lui, puisqu’une réforme est mise en œuvre pour l’en empêcher. Mais cette visite, qui suppose la préservation de bons rapports avec le nouveau pouvoir tunisien, ne suffira pas à atténuer l’isolement géopolitique de l’Algérie qui s’est esquissé en 2011. 
Les dirigeants libyens, nonobstant la confusion où se trouve encore ce pays, doivent prendre conscience que leur intérêt n’est pas dans l’hostilité envers l’Algérie mais au contraire, dans l’exemple tunisien. Pour ce faire, deux autres pays influents peuvent jouer un rôle positif, mais ne le feront sans doute pas, pour des raisons qui leur appartiennent : le Qatar et la France. Si Bouteflika parvient à ramener à Alger les responsables du CNT, pour une visite d’Etat, alors il aura bouleversé la donne et transformé une situation malsaine, voire explosive, en une situation extrêmement positive pour l’ensemble de la région. Ne restera plus alors que le Maroc avec lequel il faut, tôt ou tard, normaliser les rapports, dans l’intérêt des deux pays et non sous la contrainte des uns et des autres.
Les Débats, 14/1/2012

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