par Kharroubi Habib
Des citoyens en Arabie Saoudite sont descendus dans la rue. Ils exigent la fin de la discrimination confessionnelle, la libération des détenus politiques et la mise en place de réformes politiques. La réponse des autorités saoudiennes à ces demandes citoyennes, exprimées pacifiquement, est de même nature que celles faites à leur contestataire par le régime syrien, et avant lui les régimes tunisien, égyptien et libyen : une répression brutale et sanglante.
Si le droit des peuples à revendiquer pacifiquement doit être universellement respecté, les Etats-Unis et l’Europe ne doivent pas fermer les yeux sur ce qui se passe en Arabie Saoudite, et donc faire preuve de la même fermeté à l’égard des autorités de ce royaume que celle dont ils ont usé contre les autres régimes arabes, coupables d’avoir eu recours à la force brutale contre leurs populations.
Les manifestations qui ont éclaté vendredi en Arabie Saoudite ne sont pas les premières. La fronde citoyenne s’exprime de façon pratiquement interrompue depuis des mois. Systématiquement réprimée avec violence sans que l’on sache le nombre de victimes, car il est impossible aux médias internationaux de faire leur travail dans ce royaume moyenâgeux.
Mais le silence de l’Occident et des médias internationaux n’est pas dû uniquement à leur ignorance de ce qui se passe dans ce pays fermé. Il procède de la connivence à l’égard d’un Etat où d’énormes enjeux sont en cause, touchant aux intérêts géostratégiques et économiques de l’Amérique et de l’Europe. La monarchie wahhabite peut tuer à huis clos des centaines et des milliers de manifestants, les gouvernants occidentaux ne brandiront pas contre elle le «droit de protection des populations». Ils étoufferont toute velléité réclamant une condamnation internationale à son encontre. Les médias internationaux ne feront pas leurs ouvertures ou unes avec l’impitoyable répression qui s’abat sur les manifestants saoudiens ; ils continueront à zoomer uniquement sur celle qui a lieu en Syrie.
D’aucuns iront jusqu’à faire dans la suggestion que les autorités wahhabites sont en «légitime défense» face à leurs contestataires, dont la fronde serait téléguidée de l’extérieur. Ils insisteront doctement sur le fait que les manifestants appartiennent à la minorité chiite et sont donc susceptibles d’être manipulés par l’Iran, qui, comme tout le monde le sait, fait tout pour déstabiliser le Royaume saoudien, référence du sunnisme dans le monde musulman. Les experts en prospective réduiront la fronde contre la monarchie des Saoud à une opération de diversion destinée à desserrer la pression internationale qui s’exerce sur le régime syrien.
Toutes les explications qu’avanceront l’Occident et ses médias pour justifier leur singulier détachement à l’égard de la répression dont sont victimes les manifestants saoudiens n’affaibliront pas la conviction qu’ont les opinions arabes et internationales que «le droit de protection des populations» n’est opposable qu’aux Etats et régimes qui ont fini de compter pour le service des intérêts de l’Occident.
Rétrograde, sanguinaire, opposée à toute notion de liberté, fanatique dans l’intolérance, la monarchie des Ahl Saoud est et restera protégée et choyée par les puissances occidentales qui se piquent de baser leurs rapports aux autres sur les valeurs de liberté, de démocratie et de modernité. C’est que cette monarchie dégoulinante de sang est assise sur les plus grands gisements d’hydrocarbure du monde et une montagne de milliards de dollars. Deux atouts qui lui valent de compter sur le silence et l’indifférence de ceux qui veulent y avoir leur part, sur le sort fait à ses contestataires.
Le Quotidien d’Oran, 15/1/2012
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