par M. Saadoune
La droite française est dans l’embarras après la sanction de l’agence Standard & Poors qui a fait perdre à la France son triple A. Elle s’est prise à son propre piège en faisant du maintien de ce triple A un objectif fondamental. Aujourd’hui, elle tente de minimiser l’importance de cette dégradation en faisant valoir que les fondamentaux de l’économie française tiennent bien la route, hormis le déficit budgétaire.
Il n’en reste pas moins qu’en cessant d’être au même niveau que l’Allemagne, la France reçoit un signal qui est, fort naturellement, pris à la volée par l’opposition. La critique en règle lancée par l’opposition française, et notamment par le candidat François Hollande, s’appuie sur un constat juste : la politique économique de la France est conduite depuis dix ans par la même équipe. Elle en assume donc la responsabilité directe. Car, au-delà des ennuis que cela provoque pour la campagne électorale de M. Nicolas Sarkozy, le message de Standard & Poors est que l’Europe est sans tête et sans leadership.
Face à la crise, l’Allemagne, qui conserve son triple A, ne veut pas imposer trop brutalement ses vues alors que la France est en perte de vitesse. Le couple franco-allemand, présenté comme le moteur de l’Europe, ne parle plus vraiment le même langage en dépit des rencontres de plus en plus fréquentes entre les dirigeants. Le problème de la France et de l’Europe en général est qu’une politique économique fondée uniquement sur l’austérité et les plans de rigueur n’est pas une voie de sortie de la crise. C’est celle de la récession. Avec la domination des «marchés», un changement de paradigme qui se traduirait par une réaffectation des budgets paraît inenvisageable. Pas chez le candidat socialiste en tout cas, qui, tout en critiquant son adversaire, veille à rester lisse et à ne pas effrayer ces fameux marchés. Le débat n’est même pas esquissé. Sauf à la marge.
Et pourtant, il y a matière à débattre de ce changement de paradigme que seuls les indignés osent dans une Europe soumise à une forme de pensée unique très envahissante. Quand il ouvre des bases militaires, projette des forces à des milliers de kilomètres de chez lui, où la pression fiscale est essentiellement subie par les salariés tandis que les patrimoines sont exemptés, il construit une machine à produire des inégalités sans garantie d’efficacité économique.
Il faut ajouter à cela un découplage de plus en plus clair entre l’Allemagne et la France. Des choix stratégiques différents ont été faits par les deux pays. L’Allemagne ne s’est pas désindustrialisée et le principe de fonctionnement de son appareil de production est d’aller vers une montée en puissance qualitative. A l’opposé, la France a fait le choix, que d’aucuns qualifient de hasardeux, d’une orientation vers les services et, hormis le secteur du luxe, d’une spécialisation de la production dans le milieu de gamme. Résultat : elle résiste mal à la montée des pays émergents.
Le leadership européen, qui n’a jamais réellement pu prendre, est encore plus affaibli. A l’image d’un tandem franco-allemand qui est de plus en plus déséquilibré. Et pour des raisons complexes, l’Allemagne, qui est de fait le banquier de la zone euro, n’est pas prête à en assumer la direction.
Le Quotidien d’Oran, 16/1/2012
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