La présence aujourd’hui à Tunis du président Bouteflika pour célébrer le succès de la révolution mais aussi fêter la chute de Ben Ali marque incontestablement un ajustement diplomatique.
C’est, en effet, un soutien fort et engagé que manifeste l’Algérie à l’endroit des nouvelles autorités tunisiennes. Ce 14 janvier, de fête en Tunisie, s’apparente à la fin d’une période de wait and see observée par l’Algérie par rapport à ce qui se passait dans ce pays voisin.
Le président Bouteflika pouvait bien se contenter d’envoyer son Premier ministre ou même son ministre des Affaires étrangères. Mais il est évident qu’Alger voulait faire de cet événement un grand moment de retrouvailles entre deux pays voisins dont les relations n’ont presque jamais traversé des nuages.
Que Bouteflika se soit déplacé personnellement est signe qu’il entend (re)construire une relation solide avec les voisins et effacer les interprétations qui ont pu être faites d’un prétendu soutien de l’Algérie au régime de Ben Ali.
On remarquera que seule l’Algérie, le Qatar et la Libye se sont faits représenter à un haut niveau à Tunis. Le roi du Maroc, lui, n’a pas jugé utile d’y faire un crochet préférant dépêcher son nouveau ministre des affaires étrangères, Saddedine Othmani, issu du PJD, l’alter ego d’Ennahda.
Pour l’Algérie, il s’agira de mettre fin à la polémique selon laquelle Alger voyait d’un mauvais œil la transition démocratique en Tunisie. Mais à bien y regarder, on s’aperçoit au contraire que notre pays a eu une attitude plutôt correcte avec notre voisin de l’est.
Ajustement diplomatique
Trois mois après la chute de Ben Ali, l’Algérie recevait le Premier ministre intérimaire Béji Caid Essebsi en mars 2011. Au terme de sa visite – c’est la première dans un pays étranger – Essebsi était reparti avec un chèque de 100 millions de dollars d’aide financière à la Tunisie. Et en prime, l’assurance que l’Algérie se tient à la disposition de la Tunisie si le besoin se fait sentir.
Mais au niveau des visite officielles, l’Algérie s’est bien gardée d’envoyer des représentants, sans doute pour ne pas influer sur le cours de la transition, tant elle fait de la non ingérence un principe cardinal. Mais aujourd’hui que le processus politique dans ce pays a abouti à l’élection d’une Assemblée constituante et à la nomination d’un gouvernement de coalition nationale, l’Algérie à travers la présence de Bouteflika entend marquer son soutien à un « pays ami ». C’est une sorte de caution de la part d’un pays frère et voisin qui consacre un retour à la normale.
L’émir du Qatar n’est pas seul
En assistant personnellement aux festivités commémoratives de la révolution tunisienne, Abdelaziz Bouteflika enterre aujourd’hui la lune de miel de l’Algérie avec l’ancien régime. C’est aussi un signe que l’Algérie apprécie comme il se doit la voix tunisienne sortie des urnes transparentes le 22 octobre dernier.
Il faut dire aussi que le leader d’Ennahda Rached Ghannouchi, qui a passé récemment trois jours à Alger, a dû rassurer les responsables algériens de « laisser tranquille » nos islamistes et de ne pas se laisser emporter par l’envie « d’exporter » son modèle.
Pour autant Alger voudrait signifier qu’elle n’est pas spécialement contre l’arrivée par les urnes, des islamistes au pouvoir pour peu qu’ils respectent les règles du jeu démocratique. Au plan international, l’Algérie qui a été tout au long de l’année 2011 désignée du doigt comme étant un pays « empêcheur de tourner en rond » du printemps arabe, entend soigner son image.
La voix et la voie
La présence du chef de l’Etat à Tunis est un engagement franc et fort que l’Algérie ne créera pas de problèmes à ses voisins, bien au contraire. A partir d’aujourd’hui l’image de l’Algérie va changer aux yeux de l’opinion publique internationale qui appréciera les subtilités diplomatiques et comprendra peut être les réserves d’Alger d’il y a quelques mois. Abdelaziz Bouteflika aura aussi l’occasion de rencontrer une nouvelle fois Mustapha Abdeljalil du CNT libyen, histoire de lui refiler quelques conseils.
Enfin, la présence du président algérien est de nature à rassurer les tunisiens eux même que leur pays ne regardera pas uniquement du côté du Qatar. Le cheikh Hamad Ben Khalifa Al Thani qu’on accuse de vouloir faire main basse sur les révolutions arabes avec l’Occident, ne sera pas seul. A Tunis, l’Algérie entend faire entendre sa voix et montrer sa voie.
Algérie-plus, 14/1/2012
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