Par Hakim Merabet
Est-ce le début d’un dégel entre l’Algérie et le Maroc ? Ce n’est peut être pas la grande fête, mais ce sont tout de même des retrouvailles prometteuses entre frères. Arrivé aujourd’hui en Algérie pour une visite officielle de deux jours à l’invitation de son homologue Mourad Medelci, le nouveau ministre marocain des Affaires étrangères et de la Coopération, Saâddedine El Othmani, adopte un nouveau ton.
On est loin de la frilosité qui caractérisait les officiels marocains qui pesaient et soupesaient leurs déclarations pour ne pas dépasser la ligne rouge tracée par le palais et le makhzen. A l’image du gouvernement piloté par son parti, le PJD, qui veut changer le Maroc, Saâddine Othmani, met le cap lui aussi dans le segment diplomatique.
Dans ses déclarations à son arrivée à Alger, le ministre marocain n’a pas fait mystère de sa volonté de donner un coup de pied dans la fourmilière algéro-marocain voire maghrébine pour aller de l’avant et dépasser les faux obstacles. « Nous sommes aujourd’hui conscients que des mutations sont survenues dans certains pays de l’UMA, des changements à même de nous offrir une meilleure opportunité d’aplanir les entraves à la complémentarité et à l’intégration maghrébine ».
Saâddedine Othmani a lâché le fin mot : « Aplanir les entraves à la complémentarité et à l’intégration maghrébine ». Il est évidemment conscient que c’est son pays qui est à l’origine des ces entraves tant il n’accepte aucune solution à la question Sahraouie en dehors du plan d’autonomie.
Une diplomatie pragmatique à la sauce islamiste
Mais les temps ont aujourd’hui changé et le royaume n’a plus les moyens ni les soutiens à sa politique négationniste du droit du peuple sahraoui à disposer de lui-même. Conscient qu’il ne pourra s’en sortir tout seul dans un contexte de crise économique aigue qui touche y compris ses bailleurs de fonds (Espagne France…) Mohamed VI, sans doute conseillé par ces mêmes occidentaux, à dû se rendre à l’évidence qu’il lui faudrait changer de ton et revenir à de meilleurs sentiments à l’égard de l’Algérie. Et qui mieux que les islamistes du PJD pour faire ce travail de rapprochement puisque le palais a mauvaise presse en Algérie à cause de son discours belliqueux aux entournures.
Les premières déclarations de Saâddedine Othmani suggèrent, en tout cas, que le Maroc entend changer de lexique pour être en phase avec cet idéal maghrébin. Il va de soi que l’aisance financière de l’Algérie constitue un attrait non négligeable à un royaume lézardé par la crise économique et abandonné par les touristes occidentaux dont ils tire l’essentiel de ses revenus. C’est dire que le contexte politique, économique et géopolitique ont obligé le Maroc à revoir sa copie à l’égard d’un voisin avec lequel il partage plus d’un millier de kilomètres de frontière.
Le Sahara, un choix du roi
Le ministre des Affaires étrangères marocain a ainsi fait part d’une « volonté commune » de tirer avantage de la conjoncture pour « insuffler une nouvelle dynamique » aux relations entre les deux pays. Une fois n’est pas coutume, l’invité de l’Algérie a affirmé à l’aéroport d’Alger que cette « dynamique » devait se concrétiser par « des programmes de travail sur le terrain » en vue « d’approfondir davantage » les relations bilatérales.
Signe aussi que la bonne volonté est cette fois évidente côté marocain, M. Othmani, dont c’est la première visite à l’étranger, a également plaidé en faveur d’un élargissement des relations algéro-marocaines à « de nouveaux secteurs », soulignant l’importance de la concertation dans la relance de l’Union du Maghreb arabe (UMA) et de ses institutions. En revanche, M Othmani n’ignore pas qu’il est impossible de régler tous les contentieux bilatéraux qui plombent une relation sereine.
« Nous ne pourrons pas tout trancher lors de cette visite ni discuter de tous les programmes », a-t-il reconnu, ajoutant qu’il s’agit « du début d’un processus de consultations ». Et de consultations, le MAE marocain aura demain mardi à s’entretenir avec le président Bouteflika au palais El Mouradia. Avec Abdelaziz Bouteflika, Saâddedine Othmani aura l’occasion de prendre un « cours d’histoire », pour bien saisir les enjeux mais surtout situer la politique de son parti et sa propre marge de manœuvre par rapport à la rhétorique du makhzen.
Car, faut-il le souligner, le dossier, pomme de discorde entre l’Algérie et le Maroc reste un dossier directement géré par le palais royal. Pour cause, la survie de la monarchie tient dans une très large mesure à cette « cause » qu’il brandi à chaque fois que le feu prend au royaume. Question à un dinar ou un dirham : Assiste-t-on à une union sacrée entre l’Algérie et le Maroc ou s’agit-il d’un mariage de raison dicté par les conjoncture ?
Algérie-plus, 23/1/2012
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