Le dossier libyen sera pour deux raisons au menu des travaux du sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union africaine qui débutent à Addis-Abeba. Dans un premier temps, les participants vont devoir tirer les leçons de « l’humiliation » – le mot est du président en exercice de la commission de l’UA, Jean Ping – infligée à l’Union africaine par les grandes puissances sous la forme du rejet du plan de paix qu’elle a proposé en guise de résolution de cette crise libyenne. En deuxième lieu, pour tenter de trouver des réponses aux questions sécuritaires qui se posent à une bonne partie du continent après le pillage des arsenaux du Colonel Kadhafi et la dissémination des armes de guerre dans tous les pays voisins ou pas de la Libye.
Sur le problème de la crise libyenne et des avanies essuyées par l’UA dans sa tentative avortée de jouer le rôle de médiatrice entre les protagonistes, de chaudes empoignades sont à prévoir à Addis-Abeba. L’humiliation de l’Union africaine a été facilitée parce que, si officiellement son plan de paix avait l’appui de tous ses pays membres, certains d’entre eux l’ont rendu caduc en donnant leur caution à la solution mise en œuvre dans les conditions discutables que l’on sait par ces grandes puissances. Il va falloir que les chefs d’Etat et de gouvernement africains conviennent d’en finir avec le double langage qui caractérise la voix du continent et donc que certains d’entre eux cessent de contredire les positions officielles de l’Union adoptées avec leur accord, en défendant celles émanant de puissances extra continentales. Ce double langage auquel certains Etats africains se livrent s’est vérifié dans d’autres crises ou affaires concernant le continent.
Il en est de même, par exemple, concernant le conflit sahraoui. Dans celui-ci, officiellement, l’Union africaine reconnaît sans ambiguïté la légitimité de l’Etat sahraoui, représenté par le Polisario, et lui accorde le statut de membre de l’Union. Dans les faits, si le Maroc – qui a pour cette raison quitté l’OUA, ancêtre de l’UA – s’obstine à nier l’existence de cet Etat sahraoui et continue l’occupation de son territoire, c’est en partie parce qu’il bénéficie de la complicité diplomatique d’Etats africains qui appuient sa thèse annexionniste dans les forums et arènes internationaux. Il est temps par conséquent que les Etats africains rompent avec la pratique du double langage, s’ils veulent que leur Union soit prise au sérieux sur la scène internationale et que ses plans et initiatives n’aient pas à subir le discrédit de n’être pas expressifs d’une volonté africaine commune.
C’est dans ce contexte international et continental – qui a valu à l’Union africaine l’humiliation de se voir signifier son inconsistance et sa faiblesse à s’imposer en tant qu’acteur agissant dans les conflits dont le continent africain est le théâtre -, que le sommet de ses chefs d’Etat et de gouvernement va devoir procéder à l’élection du nouveau président de sa commission exécutive, à choisir entre le sortant Jean Ping, qui brique sa propre succession, et sa compétitrice, la Sud-Africaine Nkhozazana Dlamini Zuma, représentante d’un pays qui a fait feu de tout bois pour faire accepter à la communauté internationale le plan de paix pour la Libye de l’Union africaine.
A tort où a raison, Jean Ping essuye le reproche formulé contre lui par certains Etats membres d’avoir une part de responsabilité dans « l’affront et l’humiliation » subis par l’Union dans la crise libyenne. C’est dire que sa reconduction va faire débat au sommet, ce qui fait présager aux observateurs que le vote sera en l’occurrence très serré.
Concernant la position qu’exprimera sur ce sujet l’Algérie, que représente au sommet son Premier ministre, il semble qu’elle sera celle du soutien à Jean Ping pour s’assurer la reconduction de son représentant, Ramtane Lamamra, au poste stratégique de Commissaire à la paix et à la sécurité.
Le Quotidien d’Oran, 28/1/2012
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