par Salem Ferdi
L’inamovible conseiller royal au Maroc, André Azoulay, a toujours été un sujet de controverse sur ses liens présumés ou réels avec le Mossad. Mais le sujet est rarement abordé par les médias marocains en raison d’un système de protection efficace. L’écrivain marocain d’origine juive, Jacob Cohen, auteur du «Printemps des Sayanim» paru chez l’Harmattan, vient d’en faire l’expérience.
Jacob Cohen devait présenter son livre, le 26 janvier dernier, à l’Espace Tayeb Saddiki de Casablanca mais l’évènement a été annulé à la dernière minute. Le directeur de l’espace, Baker Saddiki, a invoqué des «travaux urgents» pour éviter que M. Jacob Cohen ne vienne présenter son livre, consacré aux juifs de la diaspora qui travaillent, ponctuellement ou durablement, pour le Mossad. Dans un entretien publié par Alter-Info et reproduit par Palestine Info, Jacob Cohen définit ce que veut dire Sayan, singulier de Sayanim. «Les Sayanim – informateurs en hébreu – sont des juifs de la diaspora qui, par «patriotisme», acceptent de collaborer ponctuellement avec le Mossad, ou autres institutions sionistes, leur apportant l’aide nécessaire dans le domaine de leur compétence». Quel rapport entre les Sayanim et l’interdiction, de fait, de la présentation du livre à Casablanca ? Outre le franc-parler de Jacob Cohen, son positionnement à gauche et son refus de suivre la propagande officielle sur l’harmonie entre juifs et musulmans, il a eu l’outrecuidance de désigner le puissant André Azoulay, comme un «Sayan». Progressiste et défenseur des droits de Palestiniens, Jacob Cohen ne tient pas en grande estime le Conseiller royal qu’il qualifie de «Sayan» mais ce n’est pas la seule raison qui explique qu’on ne veuille pas qu’il s’exprime au Maroc. Dans un article publié sur son blog et intitulé «Autocensure : la maladie infantile de la démocratie marocaine», Jacob Cohen énumère les raisons qui motivent son interdiction de la part d’institutions culturelles marocaines qui ont réalisé leur «erreur» après des recherches internet et ont décidé d’annuler la conférence. Il raconte ainsi comment l’enthousiasme initial de Baker Saddiki s’est refroidi.
«JE NE SUIS PAS UN JUIF DE COUR»
«Son 1er mail du 21 décembre 2011 était absolument enthousiaste. Grande soirée en perspective, avec médias et large communication. Echange de mails et de documents divers. Date fixée pour la conférence : le 26 janvier 2012. Et puis le 13 janvier, 2 jours avant la campagne de promotion dans la presse, changement brutal. Annulation pour cause de «travaux urgents» et «durables». Des amis assurent à l’écrivain que le 26 janvier, à l’heure prévue pour la conférence, il n’y avait pas de travaux particuliers. Jacob Cohen dit comprendre leur panique. Il n’a pas la langue dans sa poche. «Je ne suis pas du genre à reprendre les «vérités» assénées par l’establishment sur l’harmonie et la coexistence parfaites entre juifs et musulmans. Les juifs marocains ont toujours été des sujets mineurs, au sens «arendtien» du terme. Le juif marocain n’a pas à ouvrir sa gueule. Mais je ne suis pas un «juif de cour», expression empruntée à Abraham Serfaty
». Jacob Cohen estime aussi que l’establishment marocain n’aimerait entendre que ce que disait Serfaty : la campagne menée dans les journaux de l’Istiqlal en 1961 et qui fut rééditée en 1967 était du racisme. Elle alimentait fortement les desseins de la bourgeoisie juive et du sionisme».
LIVNI, LA «BOUCHERE DE GAZA»
Outre sa propension à contester le mythe de l’harmonie, Jacob Cohen souligne que son engagement politique à gauche n’est guère apprécié. «Je suis engagé politiquement. A gauche. Mon blog et mes 2 pages Facebook en font foi. Je milite pour une Palestine unie et démocratique. Je ne défends pas – et je critique durement – la politique de «dialogue» avec un Etat qui continue, impunément, agressivement, cyniquement, à coloniser et à détruire les structures sociales, économiques et culturelles de la société palestinienne. Cette politique de «dialogue», bien servie par un autre «juif de cour», le Sayan André Azoulay, n’a eu pour résultat jusqu’à présent qu’à légitimer la mainmise sioniste sur toute la Palestine. Que des dirigeants sionistes, comme la «bouchère de Gaza», arrivent au Maroc, à Tanger, comme en terrain conquis, et reçus avec les honneurs, je trouve cela indigne d’un pays arabe et musulman». Cohen parle de l’ancienne ministre des Affaires étrangères israélienne, Tzippi Livni, invitée en 2009 par un Think Tank de Brahim Fassi Fihri, le fils de l’ex-ministre des Affaires étrangères. Bref, Jacob Cohen est trop libre.
Le Quotidien d’Oran5/2/2012
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