Aminatou Haidar : «  »Séville n’est pas Gdaïm Izik ! »

LA CONFÉRENCE INTERNATIONALE DE SOLIDARITÉ AVEC LE PEUPLE SAHRAOUI A ÉTÉ UNE RÉUSSITE

On aura tout dit : l’édition EUCOCO 2012 a été une réussite totale si l’on retient, peu avant le début des travaux qui ont eu lieu du 3 au 5 février à Séville, les inquiétudes des militants sahraouis.
Il n’y aura pas de participation massive comme les années précédentes, à cause de la crise qui frappe particulièrement le pays ibérique» nous disait, la veille, un groupe de jeunes très sceptiques en arrivant à l’imposant aéroport de Madrid.
Finalement, ce sera le contraire de ce que l’on attendait. Ni la crise économique ni le statu quo qui frappe la question sahraouie et encore moins la présence d’une vingtaine de militants du makhzen devant le grand hôtel de Mélia Lebreros, au centreville de Séville, n’aura eu raison de l’engagement sincère et de la logique des militants et militantes européens massivement mobilisés pour cette 37e édition de la Conférence européenne de coordination du soutien au peuple sahraoui.
Cela aura été enfin un signe de quiétude aux Sahraouis très présents lors de cette manifestation politique, la plus importante conférence s’y afférant au conflit du Sahara vieux de 37 ans. La peur s’est naturellement convertie en soulagement d’avoir vaincu le doute.
L‘Eucoco, qui rassemble chaque année d’infatigables militants européens, a mobilisé plus de 500 participants venus de 20 pays des quatre coins du monde. «Séville, ce n’est pas Gdaïm Izik !» nous lâche une jeune militante espagnole. Et pour le démontrer, un gala de solidarité avec le peuple sahraoui a été organisé dans la soirée de dimanche en face de la cathédrale de Séville où les participants –l’étendard de la RASD entre les mains — ont répété en chœur les slogans favorables à cette cause.
De nombreux messages portés par d’éminentes personnalités issues du monde politique, syndical, associatif et culturel ont témoigné de l’attachement très large dont bénéficie le peuple sahraoui dans sa lutte. Signe de fierté pour ces Sahraouis, la présence aussi de jeunes et très jeunes militants européens qui renforcent ainsi les rangs des «anciens».
Si la crise économique aiguë se distingue sur les visages des Espagnols, Séville aura été malgré tout l’espace de solidarité par excellence avec la cause sahraouie. Et signe de fierté pour l’Andalousie, les travaux n’ont pas subi les traditionnelles rassemblements des relais du makhzen comme cela a été le cas lors de la précédente édition de l’EUCOCO au Mans en France. Et pourtant ! La communauté marocaine est beaucoup plus importante en Espagne ! L’Andalousie, distante de quelques kilomètres du royaume de Mohamed VI, a prouvé qu’on ne négocie pas la solidarité. Comble de l’ironie, la vingtaine de manifestants marocains postée juste en face de l’imposant hôtel Mélia ne portait aucun drapeau du royaume, se contentant d’affiches et de banderoles frapées du portrait de Mohamed Abdelaziz. Pour tout militant européen, cela donnera l’impression d’un rassemblement de soutien au peuple sahraoui.
Le président sahraoui, Mohamed Abdelaziz, venu discourir à Séville, était assisté de gardes du corps extrêmement vigilants à tout ce qui bouge, même parmi les participants. La figure de proue du combat s sahraoui paraissait plutôt très satisfaite du déroulement de cette 37e édition de l’Eucoco. Elle a même été invitée aux travaux du congrès du parti socialiste PSOE à Séville dont l’ancien patron Zapatero avait fait tant de mal à la cause sahraouie.
A l’arrivée de l’emblématique président de la Task-Force Eucoco, Pierre Galand, on sentait déjà que la 37e édition de l’Eucoco pouvait commencer. Ce dernier, qui n’a jamais mâché ses mots, ose un autre pas : il faut inviter l’envoyé spécial du SG de l’ONU, Christopher Ross, au Parlement européen pour l’écouter et le sensibiliser sur la question.
Au cours des trois journées, les participants de cette 37e Eucoco se sont investis au sein de 5 ateliers visant à promouvoir et à développer les tâches de la solidarité internationale avec le peuple sahraoui. La politique, les villes jumelées, les droits de l’homme, les ressources naturelles, la culture et l’éducation ont été ainsi débattus et des rapports finaux ont mis l’accent sur les actions à entreprendre pour renforcer la solidarité tant à l’échelle nationale qu’internationale. Les va-et-vient dans le hall de l’hôtel Mélia attestaient de l’intensité des travaux. Mais l’image exceptionnelle se dégageait de l’atelier des droits de l’homme où un vieux Sahraoui aveuglé et amputé des deux mains témoignait des souffrances de son peuple. Une image qui reflète une autre, celle rampante du régime alaouite. Les paroles de ce vieux Sahraoui couplées à son portrait de handicapé de guerre à sens unique exprimaient de fait la rupture profonde qui définit les relations maroco-sahraouie.
Au même moment, à Madrid, le ministre des Affaires étrangères marocain issu du nouveau gouvernement version PJD, Saad-Eddine Athmani, tentait vainement d’expliquer au tout nouveau gouvernement de droite espagnole la nécessité de voir le Parlement européen revenir sur sa décision de rompre l’accord de pêche incluant les eaux sahraouies.
A la lecture de la déclaration finale du sommet de l’Eucoco renforcé par la présence de la célèbre militante sahraouie Aminatou Haider, mais aussi de stars espagnoles du cinéma, une vive émotion se lisait sur les visages des participants où embrassades et prises de photos ont marqué la fin des travaux.
Séville (Espagne), de notre envoyé spécial Yassine Mohellebi
Le Jeune Indépendant, 6/2/2012

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