par Madjid Khelassi
Il faut parfois que survienne une tragédie pour qu’une libération voit le jour.
Ce raisonnement n’a rien de cynique mais il résume à merveille l’avènement de Mohamed Marzouki –nouveau président de la Tunisie- qui doit sa renaissance à un autre Mohamed : Bouazizi, de son état civil, et premier martyr, de la révolution du jasmin.
Sitôt nommé, sitôt dopé, il jure de redonner vie à un Maghreb mort en couches dans les 80 .
Quand il débarque à Alger venant de Rabat, le président tunisien semble avoir plus d’enthousiasme que de discernement.
De la réalité maghrébine, il ne saisit pas grand-chose disent certains.
Marocain par sa jeunesse (il y fit ses études) et français par sa tristesse (il passa des années d’exil à Paris où il suivit, la mort dans l’âme, la « Benalisation » de la Tunisie).
Marzouki pour 2 jours en Algérie : l’UMA revient d’outre-tombe ! Valse des rêves et des fantasmes, de vérités écroulées face à une réalité opiniâtre qui à toujours eu horreurs des faux messies.
Ah le Maghreb uni ! Le Maghreb comme creuset d’une libération collective !
Le Maghreb uni, région-territoire fictif, chaque fois chanté via une écume berceuse et un lamento avec sa nocive illusion, qui alimentent les lubies d’un moloch moderne.
On mettra entre parenthèses le Sahara occidental a dit le chef d’Etat tunisien.
Les relations bilatérales édifieront la maison maghrébine a-t-il poursuivi.
Parfait contrepoint aux délicieuses rêveries et aux mutines interrogations.
C’est évidemment une démarche qu’on ne peut analyser, car Marzouki visait à ne pas tout dire, et dans ces conditions, on ne peut qu’exposer des objectifs, et être impuissant à en exposer la méthode.
Libre circulation des biens et des personnes, installation, résidence et tutti quanti : belles complaintes de frivolités politiques au détriment d’une vraie et définitive mue démocratique.
De tous les grands ensembles, le Maghreb est celui qui a mis et qui mettra le plus de temps à se construire.
Marzouki est convaincu qu’il ne peut unifier le Maghreb à lui tout seul. Alors essaie-t-il de pulvériser le Maghreb des dirigeants ?
Tâche plus qu’ardue quand on sait le principe de construction maghrébine via les discours répétitifs qui édifient moins les plans que les intrigues.
Maladroit par méconnaissance d’un ensemble qu’il pense aussi facile que ses dirigeants sont compliqués ou recru d’injustice durant toute sa vie d’opposant, veut –il marquer son passage
dans l’histoire à venir de Chamal ifriquia ?
Ainsi, dépeint-il l’histoire d’une communauté en formation au moment où «l’UMA…nité » maghrébine porte le poids de l’impuissance de ses concepteurs.
Il peut rêver, espérer, mais il ne peut ignorer que les tyrans de cette région du globe ont toujours combattu la moindre velléité de leurs peuples respectifs pour des raisons souvent immédiates.
Il peut aussi se demander comment les dirigeants « maghariba » pouvaient-ils ne pas vieillir, ne pas changer, ne pas gésir. ?
Et mettre tout un peuple entre parenthèses, comme il le préconise, ressemble à un vaudeville d’où surgirait une querelle entre synoptiques et politiques de série B.
Le Maghreb, nous le proclamions beau et nous l’aimions d’un amour refoulé. Le président tunisien aussi, nul doute là-dessus.
Mais on ne peut faire le Maghreb des maux avec des mots qui font mal, même si c’est avec des parenthèses sans parentèles.
La majorité du peuple sahraoui vit en exil dans les zones arides du Sahara. Cela ne suffit-il pas à son malheur ?
Mr Marzouki le sait plus que nous tous. Lui pour qui l’exil ne fut que matière à renaitre. Matière complètement à part et étrangement intime.
Alors ce Maghreb est-t-il faisable ? Et si ça ne dépendait pas uniquement de nous ?
Les civilisées nous laisseront –ils édifier un ensemble qui leur fera front ?
Pas si sûr ! Car rien qu’a y voir la manière dont ils parlent de nous.
Ils ne disent jamais Algériens, Marocains, Tunisiens mais arabes. Ils se fichent éperdument qu’on soit Amazigh, Chleh ou Berbère.
En fait, pour eux, nous ne sommes pas du tout au Maghreb, mais en Orient !!!
L’Orient, cette entité si peu géographique qui désigne la somme des représentations que se font Européens et Américains des civilisations plantées dans le sable.
Des civilisations qui ne se valent que pour leur pétrole. N’est ce pas Mr Guéant ?
Le Maghreb, puzzle toujours dispersé, et arrosé d’inventions verbales, d’intertextualité et de discours sans lendemain, n’est pas seulement obstrué par les siens mais aussi et surtout par
nos amis occidentaux qui nous ne veulent que du bien.
La Nation, 14/2/2012
magnifique chronique , chapeau , jamais j'ai lu pareil
mohand médecin tizi