Par Kamel Amghar
Après un périple sommaire dans la région, le président tunisien croit fermement à l’union maghrébine. Il a appelé ses homologues maghrébins à un sommet pour relancer ce projet moribond quitte à redéfinir ses contours pour revoir à la baisse ses ambitions initiales. Une conviction qui semble lui être dictée par les besoins conjoncturels de son pays. Moncef Merzouki ne s’en cache pas, d’ailleurs. Il le dit clairement : «Nous le disons en toute honnêteté : oui, nous avons besoin du Maghreb. La Tunisie plus que tout le monde parce qu’elle traverse une phase difficile.» L’industrie touristique tunisienne traverse une période critique. Les autres secteurs d’activité ne sont pas en meilleur état. Pour couronner le tout, l’ébullition sociale post-révolution pose de grands défis aux nouvelles autorités transitoires en matière d’emploi et de développement. Il est normal que les Tunisiens se tournent vers leurs voisins maghrébins pour chercher du soutien.
Les Marocains, qui ne cessent d’appeler à la réouverture de leurs frontières terrestres avec l’Algérie, le font pour les mêmes considérations mais sans oser le dire ouvertement. Le Royaume, qui résiste mal à une crise économique chronique, a grandement besoin de cette porte vers l’Est afin d’en tirer, lui aussi, un maximum de profit. Là encore, il est question d’industrie touristique en crise, de produits agricoles qui ne répondent pas aux standards très stricts de l’UE et de débouchés pour des firmes occidentales installées au Maroc. Les Français, particulièrement, ne ratent aucune occasion pour appuyer cette requête royale afin d’offrir à leurs entreprises domiciliées au Royaume, et à moindres frais, un marché algérien boulimique en matière d’importation.
Cette UMA du profit immédiat est-elle conforme au Grand Maghreb des mouvements indépendantistes ? Est-elle conciliable avec le Maghreb des peuples ? A ce jeu-là, que gagnerait l’Algérie ? Presque rien. Au contraire, c’est à elle de casquer pour tous. Il n’y a pas si longtemps, trois millions d’Algériens passaient leurs séjours vacanciers en Tunisie. Combien de Tunisiens choisissent la destination Algérie pour leur congé estival ? On en a aussi importé des lessives, des dentifrices et des parfums portant des griffes françaises, italiennes ou turques. Les Algériens étaient, au début des années 1990, des millions à se rendre annuellement au Maroc. Combien de Marocains ont fait le chemin inverse ? On nous a aussi vendu des oranges sanguines dont on ne voulait pas outre-mer. A l’évidence, ce modèle-là, du Maghreb marchand, a déjà échoué. Il s’agit de bâtir un autre Maghreb, celui des peuples tel qu’imaginé par les leaders indépendantistes. L’indépendance et la souveraineté des peuples, les libertés et les droits humains et les intérêts réciproques seront au centre de ce nouvel édifice. Un Maghreb où tous les partenaires seraient gagnants. Dans un tel cadre, tous les contentieux trouveront des solutions adéquates. A commencer par le plus épineux qu’on projette aujourd’hui de remettre à plus tard. Ainsi, rien n’empêcherait les populations du Sahara occidental de s’exprimer souverainement sur leur destin ! L’Europe n’aurait pas pu se constituer avec une encombrante présence allemande sur le sol français, par exemple. Sans ce minimum démocratique, toute autre conception de l’ensemble maghrébin serait vaine. Les mêmes travers impliquent les mêmes déceptions.
La Tribune d’Algérie, 16/2/2012
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