A quoi servirait une union magrébine qui n’a d’ailleurs aucune chance de voir le jour dans un futur proche, à moins que les islamistes l’emportent en Algérie et qu’ils parviennent à s’installer réellement au pouvoir ? Les économistes quasi unanimement prédisent que le Maghreb connaîtra une croissance meilleure en cas d’union, mais cela reste à prouver. Que peut attendre de ses voisins, en effet, un pays rentier comme l’Algérie dont l’économie dépend entièrement de ses exportations d’hydrocarbures, et qui par conséquent ne produit rien et importe tout ? Des débouchés supplémentaires hypothétiques pour son gaz, alors qu’il n’en manque pas en Europe et ailleurs ? Des investissements étrangers qui ne seraient pas déjà implantés dans la région et qui n’attendraient que cette union pour nous choisir de préférence à nos voisins ?
L’intérêt de la Tunisie ou du Maroc est bien évident, dans le sens où l’élargissement du marché à l’Algérie représente une opportunité indiscutable pour les entreprises, notamment étrangères, afin de mieux vendre les produits qu’elles fabriquent – ou qu’elles fabriqueront. L’exemple de Renault est éloquent. Avec un » Maghreb uni « , et donc des frontières ouvertes pour la circulation des biens et des personnes, il conserve son marché algérien, sur lequel il projette même d’exercer un monopole, sans n’y avoir rien investi. On peut multiplier les exemples de ce genre. Ce qui attire tant en Algérie, c’est l’argent de son pétrole, c’est sa rente ; c’est la capacité de plus en plus grande de son marché, qui frise les quarante millions de personnes, à absorber les produits fabriqués chez nos voisins, où les investissements ont déjà été eu lieu, sans qu’en retour nos propres entreprises aient quoi que ce soit à leur exporter – en dehors du gaz dont ils se servent gratuitement grâce au droit de passage de nos pipe line vers l’Italie et l’Espagne.
L’union du Maghreb, de par les facilités juridiques et fiscales qu’elle permettra avec des pays où ces nombreuses entreprises existent, n’est plus ni moins qu’une porte ouverte pour leur économie, un cadeau d’un rentier offert à nos frères suite à un fumeux calcul politique ou géopolitique d’un pouvoir qui se sent cerné par des ennemis potentiels et qui ne réalise pas encore que, loin de briser son isolement de cette manière, il tombe les pieds joints dans un piège grossier et fatal. Il n’y a rien d’économique dans ce calcul, tout n’y est que politique.
L’UMA ne sert pas l’Algérie, en aucune façon, mais seulement les autres. Du moins dans sa configuration actuelle (une économie » riche « , bureaucratique, importatrice, qui ne sait produire que des besoins de consommation, d’une part, et des économies » pauvres « , tournées vers l’extérieur, et qui ont besoin de nos revenus pétroliers pour leur dynamisme). Pour autant, faut-il enterrer définitivement le rêve d’un Maghreb uni ? Non, car l’essentiel réside dans la sagesse et la prudence avec lequel il faut l’entreprendre. Il reste du temps, beaucoup de temps hélas, à se donner – à cause de l’impréparation de l’Algérie – pour qu’un jouer l’union soit dans l’intérêt de tous.
Les Débats, 20/2/2012
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