Par Hakim Merabet
Le passage samedi prochain de la secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton à Alger devrait sans doute servir de baromètre pour jauger de l’évolution politique interne et externe de l’Algérie dans les mois à venir.
Il faut noter d’abord que Mme Clinton ne sera pas exclusivement l’invitée de l’Algérie puisqu’elle est appelée à faire un petit périple maghrébin qui la mènera au Maroc d’abord puis en Tunisie avant de « chuter » à Alger.
Il ne s’agira donc pas d’un quelconque blanc-seing que le Département d’état voudrait donner à Alger via cette visite, première du genre depuis celle de Madeleine Albright en 2000 pour célébrer l’accord entre l’Ethiopie et l’Erytrée, sous la férule d’Alger.
Le fait est que, rare sont les fois où un secrétaire d’Etat américain s’est rendu en Algérie pour une mission officielle, exception faite du « Ftour » qu’à pris Mme Condolezza Rice avec le président Bouteflika lors de sa tournée d’adieu en 2008.
C’est connu, les Etats-Unis sont plutôt les amis du Maroc avec lequel ils sont même liés par un accord de libre échange. Il y a aussi le fait que la communauté juive chez nos voisins est parfaitement bien intégrée et à même voix au chapitre de la décision puisque André Azoulay fut, de longues années durant, le conseiller de Hassan II.
Le Maroc, ami de l’oncle Sam
Au delà du fait que le Maroc est pratiquement l’ennemi de tous les ennemis des Etats-Unis notamment l’Iran, il y a lieu aussi de rappeler les deux séjours, effectués au Maroc par Mme Clinton en tant que secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères, durant lesquels elle n’a pas jugé utile d’enjamber la frontière pour venir en Algérie.
C’est que, par opposition au royaume, l’Algérie adopte une doctrine diplomatique qui pour être passéistes pour certains, n’en est pas moins conforme au principe de soutien de tous les mouvements de libération. L’alignement tiers mondiste de l’Algérie ne cadre pas également avec la politique expansionniste américaine.
Il va sans dire que le soutien jamais démenti de l’Algérie à la cause palestinienne et le refus atavique d’une éventuelle normalisation avec l’entité sioniste rendent le rapprochement algéro-américain peu envisageable. En conclusion, l’Algérie n’est pas un pays ami des Etats-Unis.
Pour autant, c’est un partenaire clé sur lequel l’establishment de Washington a toujours compté pour des considérations géopolitiques liées surtout à l’instabilité dans la région. Les Etats-Unis développent une approche très pragmatique à l’égard du régime d’Alger dont elle apprécie la « stabilité ».
Bien qu’elle sait que notre pays est loin des standards démocratiques, l’administration américaine continue de le soutenir en le critiquant, convaincue qu’il joue un rôle majeur dans la stabilité de la région et dans la lutte contre Al Qaida. Clinton va donc opportunément saluer le rapprochement algero-marocain et encouragera le processus de réanimation de l’UMA
Un gentleman agrément
C’est pourquoi les responsables américains qui défilent à Alger se recrutent surtout parmi les militaires et les spécialistes du renseignement. Aussi, ces derniers ne ratent pas l’occasion de louer » le leadercheap de l’Algérie dans la région », ou encore de souligner le fait que notre pays est le « champion de la lutte anti terroriste ».
Des appréciations que nos responsables exhibent comme autant de trophées de guerres, symbole d’un soutien de la première puissance du monde. Mais rarement les responsables américains ont dressé des constats positifs sur la conduite des affaires en Algérie. Il n’y a qu’a voir les rapports acidulés « pondus » chaque année par le Département d’Etat sur la situation des libertés en Algérie.
Pour autant, Washington ne manque pas d’envoyer des fléchettes en direction des responsables algériens pour les inciter à aller de l’avant dans les réformes. Mais la réalité de ce que pensent les américains de la « démocratie algérienne » est déclinée dans les câbles de WikiLeaks. On se rappelle à cet égard de la cinglante conclusion de l’ex ambassadeur Robert Ford, actuellement en poste en Syrie : « le peuple algérien est malheureux », en référence à l’état des libertés et de la démocratie.
Que faut-il alors attendre de ce crochet algérois de Mme Clinton ? Pas grand-chose sinon quelques « tuyaux » pour valider le scrutin de mai en contrepartie peut-être d’autant de « conseils » sur la conduite à tenir par rapport au conflit en Syrie. Un gentleman agrément qui permettrait à Medelci et à Mme Clinton d’afficher des sourires larges lors d’une laconique conférence de presse. Alors, Hillary Clinton à Alger : une bonne ou mauvaise nouvelle ? Tout dépend de là où on se place.
Algérie-plus, 22/2/2012
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