par Moncef Wafi
Revanche posthume du colonel Kadhafi ou juste retour de casseroles chevillées au corps, les révélations du site français Mediapart sur un probable accord de Tripoli de financer la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007 font l’effet d’une bombe dont la médiatisation pourrait expliquer des dates dans l’histoire encore entourées d’un flou sciemment entretenu. Comme il fallait s’y attendre, et à une semaine du deuxième tour, le clan Sarkozy crie à la manipulation, le président-candidat qualifiant l’info, le 12 mars dernier, de «grotesque» et Nathalie Kosciusko-Morizet, la porte-parole de Nicolas Sarkozy, de dénoncer «une diversion grossière», imputée à «l’équipe de François Hollande». Mediapart, dont on connaît tout le bien qu’il pense du dernier quinquennat présidentiel, affirme détenir un document en arabe, signé par Moussa Koussa, ex-chef des services de renseignements extérieurs de la Libye, qui fait état d’un «accord de principe» pour «appuyer la campagne électorale du candidat aux élections présidentielles, M. Nicolas Sarkozy, pour un montant d’une valeur de cinquante millions d’euros», sans toutefois certifier si un tel financement a effectivement eu lieu.
Ce document exhibé entre les deux tours, au-delà de sa synchronisation, pourrait expliquer pas mal de zones d’ombre dans la logique d’Etat de Sarkozy qui ironisait en déclarant que si la Libye avait financé sa campagne, «je n’aurais pas été très reconnaissant», faisant allusion à l’intervention armée de la France dans le cadre d’une opération de l’Otan qui a fait chuter le régime de Kadhafi en 2011. Simple esbroufe du président sortant qui devrait néanmoins s’expliquer sur les raisons qui l’ont poussé, ou obligé, c’est selon, de recevoir Maâmar Kadhafi à Paris peu après son élection. Rappelons que cette invitation inespérée par Tripoli, alors au ban des Etats occidentaux, a permis au colonel libyen de se refaire une virginité diplomatique dans sa tente à l’ombre de la Tour Eiffel. Personne à l’époque ne pouvait expliquer raisonnablement cette présence encombrante si ce n’est par une reconnaissance pour la libération des infirmières et du médecin bulgares condamnés à mort par la Libye. Hypothèse officielle mais au plus fort de l’intervention armée française dans le ciel libyen, Seïf al Islam, l’un des fils Kadhafi, avait affirmé à Euronews que Tripoli avait financé la campagne de M. Sarkozy pour la présidentielle de 2007.
Des accusations confirmées par le document signé par l’ex-homme de confiance du Guide libyen, Moussa Koussa, devenu entre-temps ministre des Affaires étrangères, et soutenues par l’homme d’affaires franco-libanais Ziad Takieddine, qui a dit à l’AFP reconnaître la signature de M. Koussa sur le document. Celui qui a été mis en examen à trois reprises dans le volet financier du dossier Karachi sur un éventuel financement illicite de la campagne d’Edouard Balladur en 1995, n’a toujours pas digéré son «lâchage» par les hommes du président Sarkozy, en premier lieu Claude Guéant, et promet des révélations à même de faire tomber l’actuel locataire de l’Elysée. Si l’opposition demande «l’ouverture d’une information judiciaire et la désignation d’un juge indépendant», le document ainsi que les informations révélées par Mediapart sont graves à plus d’un titre. L’acharnement de la France contre un Etat souverain, le bombardement de Tripoli et surtout l’exécution sommaire du président libyen seront, dans ce contexte précis, assimilés à une vulgaire tentative de le faire taire pour ne pas divulguer des secrets lourds à assumer pour Nicolas Sarkozy.
Le Quotidien d’Oran, 30/04/2012
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