Décès de Rachid Grini : Un des pionniers du genre gnawi s’en va
par Ziad Salah
Avant-hier, les habitants du quartier Bel Air d’Oran ont accompagné un des leurs à sa dernière demeure: il s’agit de Rachid Grini. Le défunt, même pas la soixantaine, est mort suite à un cancer qui l’a terrassé et qui l’a obligé à s’éloigner de ses amis et surtout du milieu artistique de la ville d’Oran. Rachid est l’un des fondateurs du courant musical gnawi en Algérie aux débuts des années 70. Selon notre confrère Baba Ahmed Fodil qui l’a connu, le contexte de création de ce groupe et ceux du même genre qui vont suivre est d’une extrême importance. En premier lieu, il précisera que l’élocution claire du défunt a plaidé pour son choix pour animer la fameuse émission radiophonique «Maghrib Echououb» (Maghreb des peuples) que diffusait la radio algérienne pour contrecarrer la propagande marocaine. Parallèlement, Rachid a participé avec d’autres à la création des deux groupes phares de ce genre de chanson: «Ahl Diwan» et «Haddawa». Avec le premier, il est resté plus d’une quinzaine d’années, nous affirme Omar Hamidouche, un de ses amis les plus proches.
Toujours selon Fodil, ce genre musical a été en apparence une réplique à l’engagement de Jil Jilala, le groupe marocain, en faveur des thèses expansionnistes du Maroc concernant le Sahara Occidental. Les Maghrébins se remémorent encore de l’opus «El Oued ouadi ya sidi et Sakiya El Hamra liya» que Jil Jilala avait chanté à cette époque. Mais au-delà du factuel, les animateurs de ce nouveau genre musical cherchaient l’appropriation d’un patrimoine poétique exploité et mis en valeur, pour des raisons historiques, par les artistes marocains. Pour Bouha Ghalem, l’importance du chant gnawi à Oran réside justement dans sa datation. Il se développe juste à la veille de «la déghettoïsation» de la chanson raï. En effet, rappelle-t-il que le gnawi animait les fêtes de mariage qui se déroulaient sur les terrasses des immeubles au lieu de la salle actuellement. Donc Rachid Grini, en tant que figure musicale, est apparu dans cette période charnière. Il s’était illustré par la maîtrise de la tablette, instrument de percussion.
Pendant son service national, Grini a réalisé un spot publicitaire pour inciter les jeunes à rejoindre l’école de l’Air de Tafraoui. Aussi, il a participé au doublage de plusieurs documentaires au niveau de la défunte RTA. Il a même touché au théâtre, quand il était étudiant, avec Saïm El Hadj. Mais c’est sans conteste dans l’enseignement que Rachid s’est le plus déployé. Il est un des pionniers de l’ITE (Institut Technologique de l’Enseignement). Durant toute sa vie, il a été un pédagogue au service «de la formation et non de l’apprentissage», nous dira un de ses amis. D’ailleurs, son expérience lui a ouvert la porte d’inscription dans un groupe de recherches relevant du CRASC.
Après l’éclipse de plus de deux décades et le renouveau de la chanson gnawi, avec la vague de Gnawa Diffusion entre autres, Rachid a essayé de rattraper le temps. Il fonda «Les 3 G». Mais cette formation musicale, pour moult raisons, n’a pas pu imposer son nom. Et le départ précipité de Rachid n’arrange pas ses affaires. Il avait à peine cinquante six ans
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Le Quotidien d’Oran, 10/05/2012
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