De notre correspondant à Paris Merzak Meneceur
A Paris tout va très vite, depuis que François Hollande a été investi président de la République, mardi dernier. A 16h, le même jour, était connu le nom du Premier ministre, Jean-Marc Ayrault. Le lendemain, en fin de journée, la composition du gouvernement est rendue publique, avec ses 34 membres, à parité hommes-femmes, qui entrent en fonction jeudi matin. Et jeudi après-midi, premier Conseil des ministres, avec la prise des premières mesures du nouveau pouvoir exécutif, dont la réduction de 30% des salaires du président, du Premier ministre et de tous les ministres.Tout cela fut parfait. Disons presque parfait, car les premières déclarations de quelques ministres ne cadraient pas totalement avec les engagements électoraux de Hollande. Vendredi, M. Ayrault a dû recadrer son ministre de l’Education nationale, Vincent Paillon, qui a annoncé, la veille, que dès la rentrée scolaire 2013, les cours dans les écoles seront dispensés pendant cinq jours, contre quatre depuis 2008. Le Premier ministre a dû corriger le tir en affirmant que «toute décision, même si le principe n’est pas remis en cause, ne sera prise qu’après concertation avec les enseignants et les parents d’élèves». Il n’y aura donc pas de passage en force, le dialogue étant incontournable au regard de la philosophie du nouveau gouvernement.Ce même vendredi, une autre musique surprenante est venue du ministère des Affaires étrangères, comme s’il n’y avait pas eu un changement présidentiel et gouvernemental. Comme si Alain Juppé n’avait pas laissé le poste de chef de la diplomatie à Laurent Fabius. Sauf, évidemment, si le slogan «le changement, c’est maintenant» n’a pas encore franchi le portillon du quai d’Orsay, ou ne le franchira jamais, concernant certains dossiers sensibles de la politique étrangère française.D’abord, la surprise fut de voir le point de presse quotidien, animé par Bernard Valéro, porte-parole de Juppé, maintenu donc en fonction (provisoirement, ou confirmé…). Ensuite, la réponse de celui-ci à une question relative au Sahara occidental, le lendemain, après la récusation par le Maroc de l’envoyé spécial du secrétaire général de l’ONU, Christopher Ross, a de quoi laisser pantois. Après avoir déclaré que «la France a pris note de la déclaration du Maroc», il a précisé que «la France appelle à un règlement rapide du différend, qui tienne compte des préoccupations légitimes de toutes les parties et rappelle son soutien à la recherche d’une solution politique à la question du Sahara occidental, sous l’égide des Nations unies, conformément aux résolutions du Conseil de sécurité». Ensuite, en contradiction totale avec cet engagement, il a repris la position prise par la France de Sarkozy : «La France réitère son appui au plan d’autonomie marocain, qui est la seule proposition réaliste aujourd’hui sur la table des négociations et qui constitue la base sérieuse et crédible d’une solution, dans le cadre des Nations unies.» L’alignement sur la position du Maroc, au mépris des résolutions onusiennes et des droits des sahraouis, est confirmée sans ambages.
Ce renouvellement de la position française sur la décolonisation du Sahara occidental a-t-il eu l’aval du ministre des Affaires étrangères, qui était dans l’avion présidentiel en route vers Washington ? Le Premier ministre, toujours présent à Paris, a-t-il donné son accord pour que la France se cantonne toujours dans une position partiale sur le conflit qui oppose le Maroc et la Rasd ? Si c’est le cas, c’est que Ayrault a tourné sa veste avec une rapidité vertigineuse, ce qui paraît invraisemblable.En effet, il y a un peu plus d’une année, le 31 mars 2011, Ayrault répondait, à une lettre de Mme Régine Villemont, présidente de l’association des Amis de la Rasd, qui lui demandait de lui présenter la position des socialistes français sur la question du Sahara occidental. Celui qui était alors président du groupe des députés socialistes à l’Assemblée nationale a déclaré avec une grande clarté, que «les socialistes, dans leurs déclarations publiques, s’en tiennent, depuis l’occupation du territoire par le Maroc, à une position privilégiant le respect du droit international et du droit à l’autodétermination des peuples colonisés». Il y a donc reconnaissance sans équivoque de «l’occupation par le Maroc du territoire du Sahara occidental et du nécessaire respect du droit international». Plus encore, Ayrault affirmait que «tout doit être fait pour permettre aux sahraouis d’exprimer librement leur volonté, sous le contrôle des organisations internationales» et que «le parti socialiste français soutenait les efforts accomplis par le Secrétaire général de l’ONU pour un référendum d’autodétermination dans des conditions qui en garantissent la validité». L’actuel Premier ministre ajoutait qu’«il ne saurait être question de s’écarter de ce plan» et que «seul un règlement juste et conforme au droit international peut ouvrir la voie à la paix».Que s’est-il donc passé pour qu’un Premier ministre, tout fraîchement installé dans sa fonction, laisse le soin à un porte-parole d’engager la France sur un dossier d’une grande sensibilité politique et diplomatique en contradiction avec ses propres convictions et les positions traditionnelles de son parti politique ? Ayrault et Fabius se sont mis dans une situation qui les oblige à donner rapidement des explications sur ce qu’est ou sera la position française sur la question du Sahara occidental.
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