Le Maroc met Washington dans l’embarras en désavouant l’émissaire de l’ONU au Sahara Occidental

Il sera difficile aux Etats-Unis de désavouer leur
émissaire au Sahara Occidental, Christopher Ross
PAR NEJMA RONDELEUX 
Maghreb Emergent, 20/05/2012
La position américaine sera déterminante pour relancer le processus de paix au Sahara Occidental, après la décision du Maroc de retirer sa confiance à l’émissaire des Nations unies pour le Sahara occidental, l’américain Christopher Ross. Le Maroc accuse M. Ross, qui insiste sur les Droits de l’Homme et veut se rendre en visite au Sahara Occidental, de dépasser son mandat, ce que conteste le Front Polisario, alors que Ban Ki-Moon a conforté le diplomate américain, en lui renouvelant sa confiance.
Le conflit du Sahara occidental est de nouveau dans l’impasse. Les réserves émises par le Maroc envers l’envoyé spécial de l’ONU pour le Sahara occidental, Christopher Ross, ont bloqué le processus de paix. Rabat, qui a décidé de retirer sa confiance à l’émissaire de l’ONU, reproche à M. Ross d’avoir mené un travail « partial et déséquilibré », et d’avoir adopté « des comportements contrastés s’écartant des grandes lignes qui ont été tracées par les négociations au Conseil de sécurité », en référence à la publication d’un rapport des Nations unies en avril sur cette zone conflictuelle.
Le ministre délégué marocain aux Affaires étrangères, Youssef Amrani, est allé dans le même sens, affirmant que « M. Ross s’est éloigné du mandat qui lui a été confié par le secrétaire général de l’ONU, en sa qualité de facilitateur, et qui consiste à aider les parties à parvenir à une solution politique ».
En réponse, le ministère sahraoui de l’information a jugé, vendredi 18 mai, « infondée » et « arbitraire » la décision de Rabat . Le Front Polisario estime « infondée et arbitraire la décision du Maroc de retirer sa confiance à l’envoyé personnel du Secrétaire général de l´ONU, Christopher Ross, dans la poursuite de la mission qui lui a été confiée par le Secrétaire général de l’ONU et le Conseil de sécurité pour la recherche d´une solution juste et durable au conflit du Sahara occidental garantissant le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination”.
Ban Ki-Moon conforte Christopher Ross
Le secrétaire général de l’ONU , M. Ban Ki-Moon, a aussitôt réagi à la décision marocaine en réitérant « toute sa confiance envers son émissaire » , l’Américain Christopher Ross, chargé depuis 2009 de trouver une issue au conflit, selon le porte-parole de l’ONU Martin Nesirky.
Paris a de son côté appelé, vendredi 18 mai, « à un règlement rapide du différend, qui tienne compte des préoccupations légitimes de toutes les parties ». Par la voix de son porte-parole Bernard Valero, le Quai d’Orsay a toutefois « réitéré l’appui de son pays au plan d’autonomie marocain », qui est « la seule proposition réaliste aujourd’hui sur la table des négociations ».
Pays observateur, avec la Mauritanie, dans les négociations entre le Maroc et le Front Polisario, l’Algérie apporte son soutien à Christopher Ross. Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Amar Belani, a rendu hommage aux « efforts inlassables menés par l’Ambassadeur Christopher Ross pour accompagner les deux parties, le Maroc et le Front Polisario, dans la recherche d’une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable qui pourvoie à l’autodétermination du peuple du Sahara occidental ».
Les conclusions du rapport critiqué par le Maroc
Le rapport de l’ONU sur le Sahara avait abouti à l’adoption par le Conseil de sécurité le 24 avril d’une résolution prolongeant d’un an le mandat de la MINURSO, tout en demandant au Maroc « d’améliorer la situation des droits de l’homme » dans ce territoire, qu’il occupe depuis 1975.
Le ministre marocain des affaires étrangères, Saad Dine Othmani, avait rencontré Ban Ki-moon la semaine dernière pour lui faire part des « préoccupations » de Rabat à propos de ce rapport très critique envers les autorités marocaines, accusées de compliquer le travail des Casques bleus de la Mission de l’ONU au Sahara occidental (MINURSO).
Pour Rabat, «Christopher Ross a dépassé ses prérogatives (…) Il s’est ingéré de façon flagrante dans un conflit où il est censé faire preuve de neutralité », a déclaré un officiel marocain cité par l’AFP. Selon cet officiel, qui dénonce les positions « acharnées » de M. Ross sur les questions des droits de l’homme, l’émissaire américain aurait voulu « étendre le contrôle de la MINURSO sur différentes parties du Sahara ».
M. Ross a notamment contribué à organiser des rencontres cycliques entre le Maroc et le front Polisario à Manhassat, près de New-York. Les derniers pourparlers informels entre les deux parties, en mars, n’ont apporté aucun progrès sur le fond. Le diplomate avait annoncé qu’il se rendrait dans la région à la mi-mai, « y compris pour une visite étendue au territoire du Sahara occidental », la première du genre en tant qu’émissaire de l’ONU. Une telle visite, que redoute le Maroc, en raison des débordements auxquels elle pourrait donner lieu, paraît désormais compromise.
Le Maroc propose toujours une autonomie avancée sous souveraineté marocaine. Le Front Polisario, lui, réclame l’indépendance du Sahara Occidental. Ces positions n’ont guère évolué au fil des rencontres organisées par M. Ross. Les deux parties attendent désormais la position de l’administration américaine, pour conforter son diplomate, ou pour le désavouer. Jusque-là, la secrétaire d’Etat Hilary Clinton avait affiché des positions proches des thèses marocaines.

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