Un peu d’Histoire : la décolonisation et la coopération des États du Sud

Comment des États qui dépendaient politiquement et économiquement d’autres États ont-ils acquis leur indépendance ? De quels droits bénéficient-ils ? Qu’est-ce qu’un État indépendant ? Le but de cet article sera de vous faire gagner des points au bac d’améliorer votre compréhension de la situation des pays en développement pour comprendre les problématiques du monde actuel.
Qu’est-ce qu’un territoire colonisé ?
La colonisation, d’après les manuels scolaires, c’est la domination politique et culturelle d’un État sur un autre territoire et une exploitation économique des ressources du territoire en question par la métropole colonisatrice. On comprend facilement pourquoi cette définition peut s’appliquer à l’Indochine vis-à-vis de la France, mais pourquoi la Tchétchénie ne peut-elle pas être considérée comme une colonie russe ?
En 1945, les Nations Unies ont décidées d’affirmer un droit à l’autodétermination des peuples, c’est-à-dire le pouvoir pour une population de déterminer son système politique (c’est l’autodétermination interne) et de choisir son statut sur la scène internationale (c’est l’autodétermination externe) : le territoire peut-il rester sous la tutelle d’un État avec lequel il a des liens historiques (c’est le choix qu’a fait la Polynésie française) ou doit-il devenir un État à part entière ?
Pour limiter la portée de ce principe, les États membres des Nations Unies ont mis en place ce qu’ils ont appelé « le test de l’eau salée » afin de restreindre le nombre de territoires qui pouvaient bénéficier de l’autodétermination en tant que colonies : les peuples colonisés étaient ceux qui subissaient la domination d’un État dont ils étaient séparés par une mer ou un océan. En conséquence, cette définition s’appliquait principalement aux habitants de territoires d’outre-mer colonisés par des puissances occidentales.
Une liste des territoires répondant à cette définition, dont « les populations […] ne s’administrent pas encore complètement elles-mêmes« , a été créé pour servir de base aux revendications indépendantistes. Faute d’inscription sur cette liste, les peuples ne bénéficient pas du droit à l’autodétermination externe.
Aujourd’hui, il y a encore 16 territoires inscrits sur cette liste, dont la Nouvelle Calédonie Française.Pourtant, sur les 111 États ayant accédé à l’indépendance depuis les années 60, 30 ne faisaient pas partie de cette liste et tous les peuples demandant l’indépendance n’y sont pas représentés.Comment ces territoires ont-ils fait pour accéder à l’indépendance, ou comment peuvent-ils encore espérer y accéder ?
Comment fonctionne la décolonisation ?
Malgré le droit à l’autodétermination dont l’on vient de parler, rien n’oblige les États colonisateurs à accorder l’indépendance à leurs colonies. La décolonisation est donc uniquement due à des considérations économiques et politiques, mais jamais juridiques puisqu’il n’existe pas de droit à la décolonisation. Les colonies, surtout en cas de conflit armé, coûtaient cher aux métropoles et l’opinion publique des occidentaux, de plus en plus sensible au respect des droits de l’homme, a souvent été un élément déterminant pour décider les autorités politiques à accorder l’indépendance aux colonies.
Dans les années 70, l’explosion du nombre d’États issus des décolonisations a permis l’adoption de principes favorables au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes : les peuples colonisés doivent être consultés par l’État dont ils dépendent pour déterminer leur statut, la lutte armée des peuples colonisés contre les puissances coloniales est reconnue comme légale et légitime, et les mouvements de libération nationale sont temporairement considérés comme les représentants du peuple dont ils défendent l’émancipation.
La décolonisation pouvait se faire de manière consensuelle entre le territoire colonisé et la métropole, avec une période de transition où l’État colonisateur laissait progressivement le territoire colonisé trouver son autonomie (comme avec les anciens protectorats français du Maroc et de la Tunisie) ou sans période de transition lorsque le territoire colonisé devenait un État a part entière du jour au lendemain (ce fut le cas pour la République Démocratique du Congo et l’Inde).
Elle pouvait également être l’aboutissement d’un conflit armé, sans être pour autant le résultat de victoires militaires, puisque l’État colonisateur était souvent prêt à défendre ses intérêts dans les colonies jusqu’au moment où l’opinion publique ne le soutenait plus, comme ce fut le cas pour l’Algérie.
Qu’est-ce qu’un État indépendant ?
Dans les relations internationales, on considère qu’un État est constitué d’un territoire et d’une population soumis à une autorité politique. Lorsque ces trois conditions sont remplies, l’État, pour exister sur la scène internationale, doit être reconnu par ses pairs. Il bénéficie alors des principes fondamentaux du droit international : la souveraineté, et l’égalité vis-à-vis des autres États, ce qui le protège de l’ingérence.
Au moment de l’indépendance, donc pendant la guerre froide, les nouveaux États devaient s’organiser, se trouver des dirigeants parmi des militaires ou intellectuels non préparés au pouvoir, et devaient rapidement prendre leur place sur la scène internationale. Ils pouvaient choisir de développer des liens avec l’un des deux blocs ou choisir de rejoindre le mouvement des non-alignés créé à la conférence de Bandung. Ils devaient également établir des relations pacifiques avec les États voisins en gérant des frontières qui ne prennent pas toujours en compte les réalités matérielles ou culturelles.
Alors qu’en 1945, il n’existait que 70 Etats, on en compte aujourd’hui 193. Nombre d’entre eux ont acquis leur indépendance lors de la décolonisation des années 60 et 70 et ont créé des mouvements alternatifs aux puissances dominantes dans l’espoir d’établir un Nouvel Ordre Mondial.
Après l’indépendance : l’utopie du Nouvel Ordre Économique International
Nous quittons désormais le monde merveilleux des définitions juridiques pour entrer dans ceux de la politique et de l’économie, qui vous sont probablement (un peu) plus familiers.
Dans les années 70, l’ONU est devenue une tribune pour les États décolonisés. Le Conseil de sécurité étant bloqué par la guerre froide, l’Assemblée générale a pris le relais. De nombreux textes ont été adoptés pour décréter un Nouvel Ordre Économique International fondé sur « l’équité, l’égalité souveraine, l’interdépendance, l’intérêt commun et la coopération entre tous les États, indépendamment de leur système économique et social, qui corrigera les inégalités et rectifiera les injustices actuelles, permettra d’éliminer le fossé croissant entre les pays développés et les pays en voie de développement et assurera dans la paix et la justice aux générations futures un développement économique et social qui ira en s’accélérant ».
Mais ce Nouvel Ordre Mondial ne sera jamais atteint puisque la crise économique est venue porter un coup aux espoirs des pays en développement, et les inégalités de développement sont restées importantes malgré la reconnaissance par l’ONU d’un droit (uniquement moral) au développement.
Les États du Tiers Monde voulaient sortir du système d’aide qu’ils recevaient et profiter d’un développement économique réel, c’est pourquoi le Président algérien Boumédiène affirmait en 1974, au nom des pays en développement : « Nous ne mendions pas, nous réclamons l’équité« . Le système international, déséquilibré au profit des puissances occidentales, doit aujourd’hui encore être remanié pour que le développement du Sud puisse avoir lieu. L’approche doit être globale et prendre en compte des questions liées aux droits de l’homme, à l’éducation, à la santé et à l’organisation des administrations, et ce projet a été confié à la Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement (CNUCED).
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La difficile coopération entre États du Sud
Des tentatives de coopération entre États du Sud ont été menées dans les années 70, notamment avec le succès rencontré par l’OPEP qui est parvenue à imposer des conditions posées par des pays en développement à des États développés mais la crise économique a rapidement mis fin aux espoirs du Tiers Monde d’initier un nouvel ordre mondial. La diversité des situations des pays en développement, dont les intérêts divergent bien souvent, a également fait obstacle à une stratégie commune de développement.
Si les États du Sud profitent d’avantages commerciaux dans leur relations économiques avec les pays développés, le commerce entre eux fut difficile à développer. En effet, les pays en développement avaient tendance à se concurrencer, plus qu’à se compléter, et tournaient leurs économies vers les États du Nord plutôt que vers les autres pays en développement. Ils ont finalement décidé de réorienter leur commerce vers d’autres pays en développement, en créant des organisations régionales (le MERCOSUR en Amérique du Sud par exemple) et en s’octroyant mutuellement des privilèges commerciaux avec le soutien de la communauté internationale. Aujourd’hui, près de 40% des échanges internationaux des pays en développement sont à destination d’autres pays en développement, notamment vers des États de la même zone géographique. Certains de ces investissements sud-sud, comme ceux de la Chine en Afrique, sont d’ailleurs particulièrement critiqués.
Aujourd’hui, le monde reste dominé par les idées occidentales, mais la crise de 2007 a permis l’émergence de nouveaux pôles de puissance économique, notamment en Asie et en Amérique du Sud. Le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud (qu’on surnomme les BRICS) ont des économies énergiques qui représentent plus du tiers de la croissance mondiale. Si leur situation économique commune pourrait conduire à un rapprochement stratégique, les pays en développement sont dans des situations nationales tellement variées qu’il est impossible pour eux de trouver des points d’accords autres que la très classique protection de la souveraineté.
La nécessaire réforme des Organisations internationales au profit des pays en développement
Avec la mondialisation, les États font face à des problèmes qui nécessitent des réponses globales.La lutte contre la pauvreté, la protection de la paix et de la sécurité et la gestion des problèmes environnementaux nécessitent une coopération, or nous l’avons vu la semaine dernière, le moyen le plus facile de la mettre en oeuvre est de passer par des organisations internationales.
Mise à part l’Assemblée Générale des Nations Unies, la plupart des organisations internationales n’appliquent pas le principe de un État = une voix. Les votes sont pondérés selon la participation financière (qui désavantage forcément les pays en développement) ou effectués au sein d’organes restreints souvent fermés à de nombreux pays en développement (c’est le cas pour le FMI et l’OMC). Les organisations internationales requièrent désormais, pour être efficaces, une démocratisation et une ouverture des organes restreints (comme le Conseil de sécurité) aux pays émergents.
Le Pape Paul VI disait que « Le développement est le nouveau nom de la paix« . Puisque la paix est l’objectif fondamental de l’Organisation des Nations Unies, peut-être serait-il temps de réformer cette institution ainsi que le système international afin de permettre un réel développement des pays du Sud.
madmoizelle, 07/06/2012

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