Le conflit du Sahara occidental semble plus que jamais d’actualité lorsque l’on arrive à Dakhla, une des villes des provinces du Sud annexées par le Maroc en 1975. Dynamique et en plein développement, la ville n’a rien des camps de réfugiés de Tindouf.
«Ici on veut tous être Marocains. Ceux qui ne veulent pas l’être partent pour les camps ».
Cette phrase, jetée par Meimouna, accompagnatrice attitrée de la visite de Dakhla habillée du voile sahraoui et chargée de communication, révèle une première vision de la ville de Dakhla, à l’extrême sud du Sahara occidental près de la frontière avec la Mauritanie. Et la question identitaire n’est pas la seule ambiguïté de l’endroit.
En approchant de l’aéroport, on peut déjà voir de l’avion les constructions encore naissantes, financées par l’Etat marocain. Dès l’atterrissage, l’accompagnatrice, native de Dakhla, prend en charge l’unique journée prévue pour la visite. Un programme de choc attend : visite du nouveau port de Dakhla, visite du musée Sahraoui et de la médiathèque, visite des serres de tomates cerise, du site de l’océan vagabond, entretien avec le Wali, gouverneur de la ville et même une rencontre avec le tissu associatif local.
Difficile de caser ne serait-ce qu’une heure de libre dans un programme aussi chargé afin de contacter ceux dont on ne parle pas «les militants revendiquant la libération de ce territoire» ou les membres du POLISARIO.
Une voiture mise à disposition attend, l’accompagnatrice est là pour faciliter les visites et les trajets au cours de cette journée. Passée la vue aérienne, Dakhla est une petite ville où alternent les couleurs des bâtiments peints et le gris de ceux encore en construction.
Très symétriques, les rues sont le cœur de l’activité nocturne ainsi que la corniche qui borde l’océan Atlantique. Installée dans la péninsule du Rio de Oro, la ville est peuplée d’environ 60 000 habitants Elle a un climat désertique équilibré par le vent et la proximité de l’océan. Les restes de la colonisation espagnole datant du 19ème siècle sont encore visibles dans l’énorme fort militaire à l’entrée de la ville.
La ville elle, est neuve, portant les traces du développement récent amorcé par le Royaume du Maroc. Et pourtant Dakhla fait partie des territoires du Sahara occidental et non du Maroc au regard du droit international.
Entre aide au développement et exploitation directe, le Maroc joue sur une frontière fragile ; Dakhla est devenue ainsi une région économiquement «marocaine», mais pas juridiquement.
La pêche, principale richesse
Dimanche matin, le marathon commence, direction : le nouveau port de Dakhla. Fierté locale, le port de pêche de Dakhla a commencé à être construit en 1998. Depuis, deux extensions sont en cours de construction, l’une notamment pour les bateaux pétroliers. Gagné sur la mer, le terre-plein s’étend sur près de 13 ha. Les principales activités du port concernent la pêche pélagique et côtière ainsi que le trafic d’hydrocarbures.
Le port est un point d’échange central avec l’Amérique du Sud, mais aussi avec les pays africains. La pêche représente près de 40% de la production nationale marocaine. L’activité bat son plein le dimanche 17 juin, alors que les pêcheurs réparent leurs filets, des centaines de bateaux de pêche créent un effet de congestion. A qui profitent les bénéfices générés par cette activité portuaire ? Au Royaume du Maroc et à l’Europe selon un accord de partenariat de pêche (APP) signé en 1987 entre l’Union européenne et le Maroc et fréquemment renouvelé.
Le problème posé par cet accord concerne l’espace où les navires européens peuvent pêcher. L’appréciation de cet espace est laissée à la libre interprétation du Maroc, or, Dakhla n’appartient pas juridiquement au Maroc, il est seulement sous «contrôle» marocain. Selon un rapport du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies datant du 22 février 2010 (Le pillage des ressources halieutiques au Sahara occidental), le Maroc n’a jamais été reconnu par les Nations Unies comme une puissance administrante du territoire.
C’est pourquoi le rapport stipule bien que d’un point de vue légal, le Maroc n’a pas le droit d’exploiter, vendre ou marchander par le biais de l’octroi de licences les ressources de ce territoire.» L’accord de pêche se baserait sur une violation du droit international, car le Maroc a ouvert la possibilité à ces navires européens de pêcher dans les eaux bordant la zone du Sahara occidental sans déclarer sa juridiction sur les eaux. 119 navires européens de 11 pays membres naviguent ainsi sur ces eaux, reste à savoir s’ils vont jusqu’à utiliser le port de Dakhla comme point d’ancrage.
Sur place, pas de drapeau européen à l’horizon. Ces accords de pêche sont sans cesse l’objet de négociations lors de leur reconduction et une manière pour le Maroc d’affirmer à chaque fois la légitimité de sa «souveraineté» sur le territoire. La manière dont le peuple sahraoui profite de ces richesses est plus ambigüe. Un des ingénieurs du port de Dakhla déclare que 10 000 habitants travaillent au port sans donner d’autres détails.
La culture des tomates cerise, monopole français
Vient ensuite la visite des fameuses serres de tomates cerises qui s’étendent sur 60 hectares, dans la ferme de Tawarta et dont le principal client est aussi le marché européen. Le secteur de l’agriculture est la deuxième richesse de la ville de Dakhla.
Les tomates arrivent en France où elles sont redistribuées dans divers pays européens, avec le label «en provenance du Maroc» ou «sud du Maroc». La société française Azura cultive aussi des tomates cerises sur près de 76 ha du territoire.
Selon un rapport de l’ONG Western Sahara Ressource Watch, en 2012 un nouvel accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Maroc libéralise encore plus les échanges entre les deux pays, alors qu’un autre accord commercial entre les Etats-Unis et le Maroc exclut clairement la zone du Sahara occidental. Plus encore, le ministère de l’Agriculture et de la pêche marocain a estimé que près d’un million d’hectares étaient exploitables pour l’agriculture. En 2009, près de deux mille hectares étaient exploités ou équipés dans diverses fermes et des projets d’extension sont prévus d’ici 2013.
La majorité des récoltes seront destinées à l’exportation. La plupart de ces extensions seront faites sur des zones habitées auparavant par des sahraouis qui sont partis pour les camps de Tindiouf lors de la guerre, selon le rapport de l’ONG Western Sahara Ressource Watch. Parmi les 11 domaines exploités pour l’agriculture autour de Dakhla, tous appartiennent au roi Mohamed VI, à des hommes d’affaires marocains ou à des multinationales françaises. Aucun n’appartient à un sahraoui.
Dans Dakhla, l’impasse du conflit est ainsi visible dans chaque parcelle du développement de la ville : le Maroc considère bien que le territoire lui appartient et agit donc en toute légalité selon ses officiels. Excepté qu’aux yeux des sahraouis, les choses ne sont pas si simples.
L’identité sahraouie en question
A la radio régionale de Dakhla, le directeur nous accueille en costume traditionnel Sahraoui. Même le dimanche, l’équipe travaille. Créée en 2005, la radio couvre des sujets culturels, politiques et religieux, organise des débats entre les notables et les citoyens. Mais quand il s’agit de la question du Sahara occidental, les sujets sont traités d’une certaine manière.
Le directeur dit avoir parlé sur l’antenne des récents évènements comme le retrait de confiance à l’envoyé spécial de l’ONU, Christopher Ross mais quand on lui demande s’il est allé demander le point de vue de ceux qui revendiquant l’indépendance, ce dernier déclare, qu’il n’y a pas à sa connaissance de «sahraouis indépendantistes ou séparatistes» à Dakhla. La journée se terminera par une rencontre avec le «tissu associatif de la ville» composé de nombreuses femmes sahraouies très impliquées.
Association pour les femmes et le développement, association pour l’enfance, etc. Les problèmes dont parlent ces femmes portent sur le manque d’«espaces verts», ou d’infrastructures pour les écoles.
Tous revendiquent le fait «d’être des Marocains à part entière », aucun acteur des associations militantes pour l’indépendance n’est présent. Une vieille dame témoigne du calvaire qu’elle a du endurer dans les camps de Tindiouf ayant déjà subi la torture dans les prisons espagnoles. Elle déclare être venue se «rallier» à Dakhla n’en pouvant plus des conditions de vie du camp de Tindiouf.
Dakhla, la ville où tout le monde se dit «marocain» servirait-elle donc à légitimer l’annexion de ces territoires par le Maroc ? C’est ainsi qu’est présentée l’histoire au petit musée Sahraoui de Dakhla.
Accompagné d’une médiathèque, le musée commence par les photos des différentes visites du roi Mohamed VI dans les provinces du Sud, puis vient l’histoire en cartes de la colonisation hispano-française. Le saut historique vers le 6 novembre 1975 et le serment de la marche verte organisée par le roi Hassan II semblent être le pivot de l’histoire sahraouie dans ce musée. Les Marocains considèrent cet évènement «pacifique» comme une récupération de leurs territoires historiques contrairement à la Cour internationale de justice. Celle-ci a déclaré, dans un traité du 6 octobre 1975, qu’il existait bien des liens juridiques d’allégeance entre le sultan du Maroc et certaines tribus du Sahara, mais que cela n’était pas suffisant pour établir un lien de souveraineté territoriale entre le Sahara occidental et le Royaume du Maroc.
Très peu d’allusions au Polisario ou à une autre date historique, celle de la proclamation de la République arabe sahraouie démocratique (RASD) le 27 février 1976. L’identité culturelle sahraouie, elle, semble être préservée à travers ce musée qui présente le costume traditionnel et son évolution à travers les âges, les techniques de coiffures, la tente bédouine. Mais peu d’éléments sur l’histoire réelle des sahraouis avec par exemple une étude des tribus qui composent le peuple : d’un côté les Ouled Dhims, de l’autre, les Rguibats. Pour Meimouna, c’est la permanence d’une société tribale qui rend impossible l’indépendance «vous savez, même si on avait l’indépendance, ces tribus se battraient chacune de leu côté pour régner. Et je ne suis pas sûre que cela serait souhaitable».
Dakhla, eldorado marocain ?
Pour le wali de la région d’Oued Eddahab Lagouira, Hamid Chabar, le conflit au Sahara occidental est désormais un problème diplomatique, «un conflit idéologique qui l’emporte sur le reste». A Dakhla, son ambition est claire : «faire de la région un pôle de prospérité à la porte de l’Afrique subsaharienne avec un flux d’échanges important» ; il base le dynamisme sur l’énergie éolienne afin de préserver l’écosystème particulier de la région et parle de nombreux projets pour le développement du tourisme. Son avis sur le Sahara Occidental semble partagé par le délégué du ministre des Affaires étrangères à Rabat, Youssef Amrani : «le Maroc attend aujourd’hui les évaluations du secrétariat des Nations Unies et un nouveau médiateur qui puisse nous aider à aller de l’avant.» Pour lui comme pour le gouverneur de Dakhla, c’est le «manque d’implication de l’Algérie» qui empêche le compromis. Quant au plan d’autonomie du Maroc, jugé illégal par un barreau d’avocats à New York (voir encadré) le ministre délégué préfère privilégier l’avis des Nations Unies qui ont jugé le plan «sérieux et crédible».
Dakhla semble donc bien être une ville «marocaine» aux yeux de tous. Youssef Amrani prend bien soin de préciser que les Marocains n’emploient pas la terminologie Sahara occidental, mais «Maroc Saharien» ou «sud du Maroc» ou encore Sahara».
Aujourd’hui, en quittant Dakhla, certes bien différente de Tindiouf, une question demeure et génère un malaise, qu’en est-il du peuple sahraoui dans ces consultations internationales ou même dans la manière dont le Maroc gère entièrement la ville ? En arrivant à joindre par mail, quelques sahraouis d’un autre avis que celui présenté lors de la visite à Dakhla, le constat est bien différent.
Mohamed El Beikom, un sahraoui, déclare qu’en plus de ne pas pouvoir s’exprimer librement, les revendications d’autodétermination du peuple sahraoui sont sans cesse étouffées. Les cas de violations des Droits de l’homme envers les activistes sahraouis reste encore difficiles à aborder au Maroc. Mais le plus révoltant selon ce sahraoui reste la question du «pillage» des ressources.
«Ce n’est pas le peuple sahraoui qui profite de ces richesses, aussi bien au niveau de la pêche, où peu de pêcheurs locaux sont bénéficiaires des ressources engendrées tout comme dans le secteur de l’agriculture.»
Lui et d’autres sahraouis dénoncent le manque d’emploi pour les locaux. Pour le Wali de la ville, ce manque est plutôt du à un problème de formation pour certains travaux apparus avec l’urbanisation de Dakhla, il déclare «mettre en œuvre un travail de sensibilisation afin de changer les mentalités. Pour certains locaux, les travaux de ferme sont considérés comme dégradants, il faut que nous changions cela.» En attendant, le développement de la ville et l’exploitation des ressources continuent…
De notre envoyée spéciale à Dakhla Lilia Blaise
Nous publierons la semaine prochaine un grand reportage sur le Maroc
Précisions de la Pharmacie Centrale de Tunisie (PCT) à propos des médicaments anti-cancéreux
Dans son numéro 1381 du 14 au 20 juin 2012, la revue “ Réalités” a publié un article intitulé : “médicaments anti-cancéreux : les dessous d’une pénurie” et ce, suite à la conférence de presse ayant eu lieu au siège de la PCT en date du 06/06/2012.
Le contenu de cet article, nécessite les éclaircissements suivants de la part de la PCT.
1- En disant «… mais ce qu’elle tait, ce sont les véritables raisons de cette rupture de stock», cela laisse entendre que la PCT a passé sous silence, volontairement ou involontairement, les causes réelles du manque de certains produits anti-cancéreux, alors que la communiqué distribué en séance à tous les journalistes présents, a précisé sans équivoque les causes réelles de ce manque, puisqu’il ne s’agit pas d’une rupture, si non, qu’elles seraient les raisons d’une conférence de presse ?
2- Le lien établi par l’auteur de l’article entre les laboratoires israéliens “TEVA” et le manque enregistré de ces médicaments n’a aucun fondement.
A cet effet, la PCT a déjà précisé que son fournisseur habituel a bel est bien fait l’objet d’une acquisition par d’autres laboratoires, mais il ne s’agit pas de “TEVA”. Si c’était le cas, il n’y a aucune raison de ne pas l’annoncer comme auparavant, pour d’autres médicaments.
Par ailleurs, les laboratoires “TEVA” n’ont jamais fait partie des fournisseurs de la PCT.
3- Quant à la priorité accordée aux structures hospitalières publiques et à la CNAM (puisqu’il n’y a pas de structures sanitaires ou hospitalières relevant de la CNAM) qualifiée par l’auteur de l’article de “ségrégation de malades” en se posant la question “que va faire le secteur privé pour soigner ses patients”, il est précisé que :
• Ces médicaments sont classés hospitaliers, et même les structures hospitalières prioritaires, sont celles dotées de services de cancérologie, et qui prennent en charge aussi bien les bénéficiaires des régimes de la gratuité des soins, du ticket modérateur et des assurés sociaux.
• Les quantités mises à la disposition de la CNAM, sont destinées uniquement aux patients assurés sociaux, qui se soignent aussi bien dans le secteur public que dans le secteur privé, à leur choix. Est-ce qu’il y a lieu d’une ségrégation quelconque ?
• La priorité n’exclut pas les autres, et cette mesure vise la rationalisation de l’affectation d’un stock limité, et la lutte contre la fuite.
En outre, il est précisé que la situation s’est rétablie, avec une reconstitution du stock pour le Folinate de Calcium, 5 FU, Carboblatine, Mitoxantrone et l’Aracytine 1g, et qu’en dépit de la perturbation de la production et l’approvisionnement à l’échelle mondiale, il y a lieu d’envisager la fabrication locale des produits stratégiques à forte rotation.
Réalités.tn, 28/06/2012
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