On les a vus venir, depuis qu’ils avaient décidé de passer outre le Conseil de sécurité pour aller plonger l’Irak dans le désastre et le chaos où il se trouve. On les a vus qui se sentaient à l’étroit dans des institutions où ils devaient tenir compte du droit et non de la force. A la fin, les Etats-Unis viennent d’exprimer clairement le peu de cas qu’ils font de la nécessité de l’Organisation des Nations unies, dès lors qu’elle n’obéit plus au doigt et à l’œil à leur diktat. A cause de l’usage légal de la Russie et de la Chine du droit de veto, le Conseil de sécurité aurait «totalement échoué dans sa tâche la plus importante cette année», comprendre dans l’entreprise d’étrangler la Syrie.
Il aurait dû se soumettre aux solutions étatsuniennes pour «réussir» dans cette tâche. Le veto, pourtant, les Etats-Unis en ont usé, toujours contre l’un des peuples des plus opprimés du monde, contre les Palestiniens. Rien que depuis 1967, Israël a bénéficié de 39 vetos qui ont bloqué autant de résolutions, très tempérées, destinées à rappeler un tant soit peu à l’ordre l’Etat sioniste. Sur ce plan, le Conseil de sécurité ne dérangeait pas. Il a commencé à le faire depuis que le veto a cessé d’être l’apanage d’une seule puissance. «Nous allons intensifier nos efforts avec différents partenaires hors du Conseil de sécurité pour faire pression sur le régime Assad et fournir de l’aide à ceux qui en ont besoin», a déclaré Susan Rice.
Ce qui n’est qu’une étape de la concrétisation de la disqualification totale de l’ONU. L’alternative est en construction, elle est représentée par cette «communauté internationale» qui fonctionne, déjà, selon ses propres règles et contre la «légalité internationale». C’est elle, à titre d’exemple, qui a élu le président de la Côte d’Ivoire, le CNT libyen et le CNS syrien, à la place des Ivoiriens, des Libyens et des Syriens. Une «communauté internationale» qui réunit le ban et l’arrière-ban des pays obligés des Etats-Unis. Au dernier recensement il y aurait une centaine de membres, qui ont souscrit à la volonté impériale de vassaliser la planète et de la soumettre à la seule religion qui compte, celle qui émane de Wall-Street et des temples de la finance. Le processus était donc en cours, on assiste seulement à sa première accélération, pour peut-être le voir aboutir à très court terme. Peut-être qu’il manque encore des réglages à faire et des allégeances à renforcer et à garantir, ce qui explique le maintien de certaines formes.
Lorsque le temps sera venu, l’ONU sera morte de sa belle mort, sur l’autel d’une ambition de redistribuer les cartes au sens propre, comme au sens figuré. Le monde connaît, à ce sujet, ses premiers grincements, avant son éclatement effectif entre des blocs qui travailleront qui à asseoir sa domination, qui à défendre son espace vital. Il en est ainsi à chaque fois qu’un système atteint son seuil d’incompétence, celui de survivre à ses propres contradictions. Le Capitalisme l’a atteint et veut briser les limites qui l’étouffent, quitte, dans sa folie prédatrice, à précipiter l’Humanité et sa civilisation dans un cataclysme qui l’anéantira. Difficile d’arrêter la machine quand la raison est prisonnière du profit.
Les Débats, 21/07/2012
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