Par Mohamed Fall Oumeir
Au Mali, on se prépare à une guerre dont on ne connait visiblement pas encore les tenants et aboutissants. On veut libérer le Nord. Mais avant cela on veut «sécuriser» la transition pour stabiliser un pouvoir qui n’a aucune once de légitimité.
Monté au lendemain de l’Accord-cadre entre la CEDEAO et la junte, ce gouvernement d’où furent exclus les ressortissants des régions en rébellion, a été confié à un astrophysicien de renommée internationale mais sans grande expérience politique. Modibo Diarra avait été copté par le Président du Burkina Faso qui a aussi confié la diplomatie de ce gouvernement de crise à un malien qui a travaillé longtemps chez lui comme conseiller.
Ce gouvernement quelque peu inféodé à l’un des protagonistes de la crise – le Burkina – était incapable de rassembler l’opinion malienne ou de servir la cause internationale. Très vite, son mentor a commencé à plaider pour la mise en place d’un nouveau gouvernement d’union nationale qui servirait à légitimer toute action à venir.
Le chef de l’Etat issu du processus constitutionnel imposé par la CEDEAO a fini sur un lit d’hôpital à Paris. La junte qui était venu au pouvoir pour dénoncer le refus des autorités d’équiper l’Armée régulière pour faire face aux agressions des groupes armés, cette junte a vite oublié le Nord et la guerre qu’elle devait y mener.
La communauté internationale hésite depuis le début. Le Mali n’est pas la Libye et les richesses à convoiter, même si elles existent, demandent plus «d’investissements» pour pouvoir être exploitées demain. On va se suffire donc de condamnations et de déclarations d’intension.
Pendant ce temps, les puissances européennes payent en millions d’euros la libération de leurs citoyens pris en otage par les groupes jihadistes. 15 millions d’euros que l’Espagne et l’Italie auraient versés pour libérer trois de leurs citoyens retenus en otage par le MUJAO depuis quelques mois.
Dans un espace comme celui où se meuvent ces groupes, 15 millions d’euros c’est une manne. Combien de routes, de dispensaires, d’écoles, de puits, de forages, d’ambulances… les 15 millions auraient-ils permis d’avoir dans cette zone qui manque de tout ?
Les occidentaux, pour ceux d’entre eux qui acceptent de verser les rançons, payent en moyenne 4 millions d’euros par otage. Cet argent sert d’abord aux Jihadistes dans leur équipement en armes nouvelles, dans leur insertion sociale à travers des actions humanitaires visant les populations. Il sert ensuite les intermédiaires officiels et semi-officiels. Tous ceux dont les noms sont cités quand il s’agit de libération d’otages perçoivent un versement. Du Président au Conseiller, au notable local, au prisonnier qui a servi de contact… c’est une véritable chaine qui finit par prendre l’aspect d’une «famille» (au sens maffieux).
Dans le temps, l’entourage du président malien ATT était arrosé. Lui-même est accusé par certaines sources d’en avoir profité, pas seulement en instrumentalisant les groupes les uns contre les autres, mais en recevant des retombées directes.
Dans son dernier rapport sur la question malienne, l’organisation International Crisis Group explique que «la réponse des autorités maliennes aux activités terroristes d’AQMI résulte d’une logique similaire à celle adoptée face aux rébellions et aux activités criminelles au Nord. Elle privilégie le contrôle à distance à faible coût. Celui-ci peut être vu soit comme un choix par défaut compte tenu des moyens limités dont dispose l’Etat face à des groupes terroristes militairement puissants, soit comme une collusion profitable aux parties impliquées». C’est effectivement cette dernière attitude qui explique le délitement de l’Etat malien et son incapacité à réagir tout ce temps. Tout tourne autour du paiement des rançons.
«Le paiement généreux de rançons a engendré une prospère industrie enrichissant tout à la fois les groupes terroristes et les intermédiaires chargés de négocier les libérations» selon le rapport qui poursuit : «Cette industrie a pris une tournure mafieuse évidente. Elle implique des acteurs locaux aussi bien qu’internationaux».
Elle a fini par convaincre de la mauvaise foi du gouvernement ATT : «La croyance occidentale en la sincérité des autorités maliennes a cependant été graduellement battue en brèche, devant la mollesse des interventions anti-AQMI de l’armée malienne. Cette défiance a culminé à l’occasion de l’opération de la forêt de Wagadou, près de la frontière mauritanienne, à partir de juin 2011. Des fuites à Bamako avaient éventé l’intention des forces mauritaniennes et maliennes de procéder à l’assaut de ce refuge d’AQMI, poussant les troupes mauritaniennes, défiantes à l’égard de leurs homologues maliennes, à lancer seules l’offensive le 24 juin. L’armée malienne n’a été associée qu’aux opérations subséquentes».
Vu De Mauritanie, 24/07/2012
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