Dans le long entretien publié par l’organe central de son parti le PJD, du Premier ministre marocain, Abdelillah Benkirane, seules quatre lignes sont consacrées à l’Algérie et à l’Union du Maghreb arabe. Mais les messages, probablement concertés avec le Palais, sont clairs: le Maroc n’ira pas à un sommet de l’UMA tant que les frontières terrestres avec l’Algérie resteront fermées.
Le président tunisien Moncef Marzouki a fait de la relance de l’UMA sa grande affaire par excellence et il s’est démené activement dans ce sens. Il a obtenu l’accord de principe de la tenue d’un sommet de l’UMA en octobre prochain en Tunisie. Il tente, pour reprendre la formule déjà célèbre de Hocine Aït Ahmed, de « créer du mouvement dans le statuquo ». Le sommet maghrébin ne s’étant pas tenu depuis 1994, une telle perspective pouvait en effet créer un peu de mouvement dans une UMA frappée d’inertie. Le président tunisien n’ignorait pas les écueils et dans une récente déclaration il a indiqué que le prochain sommet de l’UMA, prévu à Tabarka, tentera de trouver un moyen de mettre la question du Sahara Occidental « entre parenthèses ». Une démarche sage qui semblait avoir eu, en définitive, l’assentiment d’Alger et de Rabat. Mais les quatre lignes consacrées à l’Algérie et au sommet de l’UMA dans l’entretien de Benkirane au journal Atajdid remettent clairement en cause la perspective d’un tel sommet. Le Premier ministre marocain remet en cause implicitement cette déconnexion de la question du Sahara Occidental et surtout il introduit de manière explicite la réouverture des frontières entre l’Algérie et le Maroc comme «condition» préalable à la tenue du sommet de l’Union du Maghreb.
LES CONDITIONS D’UN SOMMET NE SONT PAS MURES
«Dans notre politique vis-à-vis de nos frères algériens nous parions sur l’Histoire, les deux peuples sont liés par des relations d’amour et de fraternité. Malheureusement, la direction algérienne a un autre avis et nous contrarie dans notre unité nationale. Nous parions sur l’avenir ». Abdelillah Benkirane estime qu’en définitive qu’il n’est pas normal « que la France et l’Allemagne se soient réconciliées et que l’Algérie demeure en dispute avec le Maroc ». Le manque d’empressement de l’Algérie à rouvrir les frontières, fermées en 1994, est une source constante d’irritation des officiels marocains. Les propos du Premier ministre marocain laissent entendre que cette question est devenue un « préalable » à la tenue d’un sommet maghrébin. A une question sur un éventuel report du sommet de l’UMA, Benkirane a déclaré que « les conditions de sa tenue ne sont pas encore mûres, tant que les frontières entre le Maroc et l’Algérie ne sont pas rouvertes, ce sera seulement une réunion de pure forme ». La déclaration lapidaire de Benkirane, probablement concertée avec le Palais royal, laisse planer un fort doute sur la participation marocaine au sommet de l’UMA. La création d’une telle « conditionnalité » ne risque pas de faire changer la position d’Alger qui considère que la réouverture des frontières n’est toujours pas à l’ordre du jour.
1994, ANNEE FATIDIQUE
Mourad Medelci l’a redit récemment à l’issue de la rencontre «sécuritaire» des ministres des Affaires étrangères à Alger. La question de la réouverture des frontières «n’est pas actuellement posée, elle est liée à l’évolution des relations entre les deux pays ». Une fin de non-recevoir qui n’a pas été atténuée par l’affirmation que ces « relations s’améliorent progressivement et il viendra certainement le jour où cette amélioration aura un impact positif sur la question des frontières ». A l’évidence, les Marocains trouvent que ce « jour » met trop de temps et sont tentés d’en faire un préalable. Quitte à ruiner les efforts de Moncef Marzouki qui n’ignorant pas la délicatesse des relations algéro-marocaines comptait sur le sommet de Tabarka pour faire avancer les choses. La tenue d’un sommet maghrébin, même si le succès n’est pas assuré, serait une indéniable avancée. Le dernier sommet de l’Union du Maghreb arabe remonte à 1994, une génération de Maghrébins de 18 ans a vu le jour entre-temps ! La fermeture de la frontière entre l’Algérie et le Maroc remonte à cette même année fatidique où à la faveur d’un attentat terroriste commis à Marrakech, les autorités marocaines ont accusé l’Algérie et instauré le visa. L’Algérie, dans un contexte de montée des activités des groupes armés, ne s’est pas contentée de la réciprocité en matière de visa. Elle a décidé de fermer les frontières. Les visas ont été supprimés ces dernières années. La frontière, elle, reste fermée. Ou presque. Les trabendistes, eux, se moquent parfaitement des frontières. Il reste que l’idée sous-jacente de Benkirane d’en faire une condition est totalement contreproductive.
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