Attaqué férocement par la presse de son pays et par ce que le pays compte comme intelligentsia, Mohamed Marzouki, le chef de l’Etat tunisien, semble voler bien au-dessus de ses adversaires. Il aurait réussi à ratisser très largement en termes de popularité. Comparé aux principaux ténors du paysage, tels Hamadi Jebali, le second du parti Ennahda, ou à Béji Caïd Essebsi, le bourguibiste/benaliste, reconverti à la «révolution» et à la «démocratie», Marzouki aurait de nombreuses longueurs d’avance en cas de duel électoral. L’écart qui le sépare de ses concurrents serait si large, qu’on pourrait presque prédire qu’il sera le futur président confirmé. Pourtant, son bilan est insignifiant, comme celui de la coalition dont il fait partie.
Les difficultés s’amoncellent, le désordre règne et les perspectives ne sont pas bonnes, tandis que l’équipe dirigeante exprime une confusion inquiétante, selon les observateurs de la scène. Sur le plan international, à l’échelle nord-africaine, Marzouki développe un amateurisme qui agace les élites tunisiennes. Ses prétentions de prendre la tête d’une dynamique d’union, rapportées à la situation économique et sociale de son pays et à la place de la Tunisie dans la hiérarchie régionale, suscitent les sarcasmes les plus acerbes, sans que sa détermination faiblisse. Il fixe même la date d’un sommet des chefs d’Etat, unilatéralement. Un fonceur dit-on, qui ne prend pas de gants et ne tourne pas sa langue dans la bouche avant de parler.
Une preuve supplémentaire ? Alors qu’il courtise ses voisins pour les amener à la table unificatrice, contre toute attente, il s’attaque à la monarchie marocaine : «La monarchie marocaine (…) reste un régime antinomique avec la démocratie et à la tête de l’Etat marocain se retrouve un citoyen qui bénéficie d’un droit dont il est seul dépositaire, il y reste à vie et le transmet à un héritier de son choix sans que le peuple ait son mot à dire». Ce qu’il dit est criant de vérité et il faut lui en reconnaître la perspicacité et l’honnêteté, mais Marzouki n’est pas à la tête d’une déferlante révolutionnaire, il est juste un fonctionnaire désigné par Ennahdha, en attendant la fin de la période transitoire. Ce qui renforce aux yeux, des voix autorisées, cette image d’inconsistance et de légèreté. Heureux pour lui que le Makhzen a réagi mollement par son ambassadeur, évitant de manière étonnante une crise diplomatique, quand pour beaucoup moins que cela, le palais alaouite explose en diatribes incendiaires. Peut-être est-ce tout simplement une ignorance par le mépris. D’ailleurs, la rencontre «historique», en Tunisie, concoctée par Marzouki n’aura probablement pas lieu. Cependant les sondages, sans préjuger de leur fiabilité et des conditions de leurs réalisations, nous prédisent que l’actualité des prochaines années continuera de compter le personnage parmi ceux qui feront l’événement. Quant aux calculs des Frères d’Ennahda qui en ont fait un fusible, un paravent, il s’avère qu’ils sont erronés. Ils ont, désormais, l’obligation de devoir se redéployer pour ne pas se faire balayer lors des prochaines élections générales.
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