Une nouvelle rumeur sur les liens que Nicolas Sarkozycultive avec le Maroc fait le buzz. Après celle de son hypothétique villa de Marrakech que l’on disait offerte par Mohammed VI, voici que la presse marocaine parle de la nomination prochaine de l’ancien président de la République française à la fonction de conseiller spécial du souverain chérifien.
Selon le quotidien casablancais Akhbar Al Yaoum à l’origine de l’information, «Rabat serait intéressé par le réseau des relations que Sarkozy a tissé durant sa présidence, à travers le monde et dans les milieux d’affaires français».
Une fructueuse amitié
Les relations entre Sarkozy et Mohammed VI avaient débuté par une bouderie. Le 11 juillet 2007, le président français devait accomplir une visite de travail au Maroc, qui ne devait durer que quelques heures.
Mais le Palais n’avait pas apprécié que, pour son premier déplacement de chef d’Etat au Maghreb, Nicolas Sarkozy ait choisi de débuter son périple par Alger, puis Tunis, avant de rallier enfin Oujda, la ville marocaine frontalière de l’Algérie, au moment où Mohammed VI y était en tournée.
Piqué au vif, le Palais avait tout bonnement reporté la rencontre.
Depuis, et malgré quelques couacs notamment sur l’affaire de la vente des avions Rafale que Rabat a rejetée au profit des F-16 américains, une fructueuse amitié s’est nouée entre les deux hommes.
Dès 2008, lors de ses voyages privés à Marrakech, Sarkozy a été, chaque année, l’invité du roi et ce dans au moins trois résidences différentes, tantôt au Jnane El Kébir, tantôt au Royal Mansour, un palace au superlatif qui appartient aussi au roi, mais aussi à La Mamounia, incontournable lieu de rendez-vous des VIP.
Pour l’anecdote, il n’était pas rare de voir le roi lui-même venir chercher Nicolas Sarkozy et sa petite famille à bord d’un 4X4 rutilant pour une balade dans Marrakech…
L’ancien chef de l’Etat s’est rendu à Marrakech à quatre reprises en voyage privé: en mars 2008, juillet 2008, décembre 2009 et décembre 2010.
Un record pour un président en exercice et surtout une certitude: pour tous ces voyages, Nicolas Sarkozy n’a pas payé.
Pour les fêtes de fin d’année en 2011, seules son épouse Carla Bruni et sa fille Guilia ont fait le déplacement, Nicolas Sarkozy n’ayant pas eu le temps de les rejoindre en raison de la campagne présidentielle.
Fin juillet, Nicolas Sarkozy et Carla étaient encore une fois en visite privée au Maroc. Il y aurait reçu la visite d’Abdelilah Benkirane, le Premier ministre marocain à la résidence Jnan El Kebir de Marrakech dans laquelle il résidait.
Rien n’a filtré de leur discrète entrevue qui aurait eu cependant «un caractère à la fois secret et officiel», selon la presse marocaine.
L’islamiste Benkirane a-t-il été à ce moment-là porteur de l’incertaine proposition royale? En réalité, rien n’est moins sûr, car pour ce genre de mission, on imagine mal que Mohammed VI ait choisi son chef de gouvernement pour en être l’un des missi dominici.
L’usage au Palais aurait voulu que ce soit une personnalité plus proche du souverain, quelqu’un de son entourage immédiat plus à même de représenter le cabinet royal…
«Sarkozy, dégage!»
Nicolas Sarkozy n’a jamais eu la cote auprès de l’opinion publique marocaine . Son image, dégradée par son côté bling-bling, n’a jamais effacé une certaine nostalgie pour Chirac, «l’ami des Arabes».
Ceci-dit pour Rabat, il a été un allié appréciable que ce soit sur le dossier du Sahara occidental sur fond de rivalité avec Alger, pour l’obtention du statut avancé avec l’Union européenne ou pour s’assurer des aides économiques substantielles de Paris.
Sur ces sujets vitaux pour le Maroc, la danse du ventre faite par le Palais à François Hollanden’aura pas suffi: la France ne soutient que mollement le royaume dans son différend avec les Nations unies sur le cas de Christopher Ross, l’envoyé spécial au Sahara occidental débouté parla diplomatie marocaine.
Sur le volet économique, les Marocains voient d’un œil noir le volontarisme affiché par Arnaud Montebourg pour mettre fin aux délocalisations des entreprises françaises.
Sarkozy à l’aise avec le «pay to play»
Le Maroc a l’habitude de recruter des lobbyistes, notamment américains où la pratique du pay to play (littéralement «payer pour jouer») est l’apanage de professionnels du revolving door. Cette pratique consiste en une reconversion officielle et réglementée Outre-Atlantique qui permet à d’anciens hauts fonctionnaires de mettre à disposition de clients de marque —Etats ou multinationales— leur vaste réseau d’influence, patiemment constitué tout au long de leur carrière publique.
La plupart de ces spin doctors de choc créent leurs propres officines ou sont enrôlés dans des cabinets spécialisés.
Avec la France, Rabat courtise depuis toujours hommes politiques de droite comme de gauche, diplomates, communiquants, journalistes, hommes d’affaires, artistes et stars du show-biz, pour vendre son image à l’international.
Un puissant club des «amis du Maroc» toujours prompt à monter au créneau pour chanter les louanges du royaume.
Ce serait la première fois cependant qu’un ancien président soit littéralement recruté par le Palais pour servir ses intérêts.
Comme le commente Thierry de Cabarrus dans sa chronique du Nouvel Observateur, cette éventuelle reconversion lui irait si bien, tant «il semble avoir à la fois les qualités et les défauts nécessaires» à la fonction.
«Voir Nicolas Sarkozy devenir le lobbyiste du roi du Maroc n’apparaît pas complètement absurde. L’intéressé lui-même a dit à de nombreuses reprises qu’il pourrait abandonner la politique s’il n’était pas réélu président pour aller « gagner de l’argent », par exemple, en tant qu’avocat d’affaires. Alors pourquoi pas comme lobbyiste?», ajoute le commentateur, qui souligne son «bagout de représentant de commerce», son goût pour la reussite matérielle, son inénarable culot et surtout l’immensité de son carnet d’adresses, qu’il n’hésiterait pas à monnayer à prix d’or avec son ami le roi.
Ali Amar, de Rabat
Slate Afrique, 06/08/2012
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