Il n’a fallu que quelques heures pour que la résolution 1973 de l’ONU soit mise en œuvre et encore de quelle manière ! Le tirage du texte et sa diffusion n’étaient pas terminés que l’armada de l’OTAN larguait des bombes, qu’aucune disposition légale n’autorisait, sur un pays souverain, la Libye. Dans la foulée, la «communauté internationale» est prise d’une catharsis irrépressible.
Des «amis du peuple libyen» se réunissent, sans rechigner sur le temps consacré, comme ils vont le faire pour la Syrie, sans résolution de l’ONU. Mais cette agitation n’est pas valable partout et tout le temps. On le sait pour la Palestine qui connaît 60 résolutions, sans que cela fasse bouger un cil du côté des organisateurs des réunions d’«amis» des peuples.
On le sait, aussi, pour le Sahara occidental occupé par une caricature de colonialisme. Dans ce pays, une institution de l’ONU, la Minurso est à pied d’œuvre depuis plus de 20 ans. Depuis septembre 1991, quand elle a été déployée pour surveiller le cessez-le-feu et organiser un référendum sur l’autodétermination des Sahraouis. Minurso veut justement dire «Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental».
Elle n’a pas été dissoute et n’a pas changé d’intitulé ni de mission. Pourtant le Makhzen, qui fait de plus comme si elle n’existait pas et a décidé qu’il n’était plus question de référendum, ne dérange pas du tout les gardiens habituels des droits des peuples et de la légalité internationale. Nous sommes en 2012 et, d’après la décision onusienne, le vote aurait dû avoir lieu en janvier 1992. Il faut dire que la royauté chérifienne, toute archaïque qu’elle est, a de sérieux sponsors, qui sont ceux qui font et défont le droit. En bon nervi, elle doit être préservée le temps qu’il faut, tant pis si elle est fort peu recommandable.
Fort de ce statut, le roi peut jouer à l’arrogant et se permettre de faire croire qu’il peut, peut-être à l’instar d’Israël, défier le monde. Sans pour autant être entièrement aussi rassuré que son modèle sur sa position et sur sa puissance. Preuve en est qu’il est très susceptible et peut paniquer pour un rien, concernant tout ce qui touche à sa «souveraineté sur les territoires du sud».
Dernièrement, le lundi 8 octobre, son consul général à Marseille s’est déplacé en personne à l’aéroport d’Avignon, avec pour mission de bloquer le rapatriement de la dépouille mortelle, d’Abachikh Hmatou, à Lâayoune. Hmatou était un jeune Sahraoui réfugié politique en France. Le diplomate s’est justifié en invoquant un «télex urgent» qui lui a été adressé par le gouvernement marocain. En réalité, le consul, qui avait donné son visa pour le transfert, sans réfléchir aux conséquences, a dû, tout simplement, se faire tirer les oreilles.
Sur le fond, force est de conclure que le cessez-le-feu de l’ONU a bien profité au Makhzen, dont l’armée se faisait étriller par la guérilla du Polisario, qui se trouve piégé dans des procédures où il joue au dindon de la farce. En 2008, l’envoyé spécial de l’ONU, Peter Van Walsum, déclarait, avant de se dédire, que l’indépendance du Sahara occidental «n’est pas un objectif accessible». D’après lui, «si le Polisario continue à exiger un référendum pour l’indépendance, le Maroc le rejettera de nouveau et le Conseil de sécurité (de l’ONU) va insister pour trouver un accord consensuel. Et rien ne changera». Comme si ce n’était pas l’ONU qu’il représentait qui exigeait et exige toujours ledit référendum.
Les Débats, 17 oct 2012
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