De notre bureau de Bruxelles, Aziouz Mokhtari
Krim Ghellab, président de la Chambre des représentants du Maroc, se souviendra, sa vie durant, de son audition, hier, par les membres de la commission Affaires étrangères du Parlement européen. Les députés aux dossiers étudiés, précis, argumentant leurs propos, prennent la parole sans tapage ni cinéma préalable, n’ont rien laissé au hasard.
Le pauvre Ghellab venu vendre les «réformes», le «plan d’autonomie du Sahara occidental » et d’autres balivernes, encore, s’est retrouvé sans défense, nu, désemparé à Bruxelles. Pino Arcchi (Italie) est le premier à tirer «vous occupez, militairement, un territoire qui ne vous appartient pas… Toutes les résolutions de l’ONU, la cour de justice de La Haye, la plupart des pays du monde ne reconnaissent pas la marocanité du Sahara…» Sans reprendre ses esprits, Ghellab se doit, encore, d’entendre le Nordique et impressionnant Ivo Vagil. «Je suis allé aux campements des réfugiés, et je peux vous dire que votre pays a créé un grand problème. Votre présence là-bas est illégale, illégitime et contraire au droit, voire au bon sens.» J. Vagil continue : «Vous fuyez le référendum aux critères, pourtant, définis, niez l’évidence et vous opérez une interminable fuite en avant.»
Le pauvre Ghellab, humilié, épuisé et sonné, est contraint d’enregistrer les derniers propos de l’euro-député débusquant du Nord : «Notre Parlement a approuvé plusieurs résolutions relatives aux droits de l’Homme, aux emprisonnements, à ce qui se passe à Laâyoune, Dakhla et dans les autres cités sahraouies occupées (…) La Fondation Kennedy va dans le même sens que nous et vous ne voulez pas vous rendre à l’évidence (…)» Malika Benarab (France-Verts) : «Vous n’apportez pas de réponses d’envergure aux questions qui vous sont posées. La situation au Sahara occidental ne peut continuer ainsi. Il faut un référendum (…)» Puis, vent le tour d’Anna Gomes, (Portugal – socialiste) : «Vous ne pouvez passer sous silence le soulèvement de Gdeim Izik, ni les sévices subis par Aminatou Haider (…)» La députée lisboète assène, sûre d’elle, : «Pourquoi vous avez expulsé du Sahara occidental occupé des Norvégiens et des Espagnols ? Parce qu’ils enquêtaient sur vos pratiques ? Parce que vous avez peur de leur témoignage ? Est-ce ainsi que vous comptez défendre les réformes, vos réformes ? Et Aminatou Haider ? Et les 22 prisonniers dans vos geôles ? Et les autres à Carcel Negra (…) ?»
Willy Meyer, euro-parlementaire de l’inter-groupes «Paix pour le peuple sahraoui» est une voix qui compte à Bruxelles et à Strasbourg. Mieux vaut, disent ceux qui savent la chose parlementaire européenne, l’avoir avec que contre. Willy Meyer donc prend la parole : «Le droit international ne parle pas de marocanité du Sahara (…) Vous devez vous asseoir à la table des négociations avec le Front Polisario et trouver ensemble la solution (…) Ne dites pas ici, personne ne vous croira, que le Sahara occidental appartient au Maroc. C’est comme si quelqu’un nous disait que la terre n’était pas ronde. Ce n’est pas crédible, ce n’est pas sérieux (…)» Plusieurs autres euro-députés ont évoqué le plan James Baker que les Sahraouis ont accepté et que le Maroc a enterré, Christopher Ross, l’envoyé spécial de l’ONU que Rabat a tenté de révoquer, ensuite de déstabiliser, les richesses halieutiques de la façade Atlantique du Sahara occidental, territoire non autonome, relevant de la doctrine des Nations Unies en matière de décolonisation et que le Maroc avec la complicité de certains Etats européens exploite, sans vergogne, sans retenue. Un véritable massacre des réserves en poisson du peuple des Ténèbres.
Gilles Pargneux, (socialiste-France), lobbyiste pro-marocain, a bien tenté d’enrayer la machine de la Commission affaires étrangères, d’arrêter l’engrenage parlementaire pro-sahraoui, de mettre du sable dans le moteur du droit européen, rien n’y fit, cependant. Même le pernicieux Pargneux a été obligé de parler des efforts de l’ONU et, d’une certaine façon, du droit international. L’euro-député a voulu séparer deux Maroc. Celui, selon lui, vendable qui fait des «réformes» bonnes à prendre et à encourager et l’autre, «Cachez-moi ce Maroc que je ne saurais voir», à ne pas dénoncer publiquement, à passer sous silence ses exactions, sa répression, sa colonisation du Sahara occidental. Les autres, tous les autres, ne l’ont pas évidemment entendu de cette oreille. Le Maroc ne s’attend pas à un rapport favorable du Parlement européen après l’audition du pauvre Krim Ghellab.
Le Soir d’Algérie, 14 Nov 2012
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