Le Maroc serait-il français ?

Dans un reportage complaisant, précédé d’une carte géographique du Maroc où le Sahara Occidental n’existe pas, France 2 s’est penchée sur les expatriés français installés aux quatre coins du royaume alaouite. La chaîne de télévision publique française – qui a organisé le référendum au Sahara Occidental au lieu et place de l’ONU et qui a décidé, donc, que les Sahraouis ont voté contre l’autodétermination –, a gratifié ses téléspectateurs d’images rutilantes d’un Maroc heureux où les 50 000 Français qui y résident sont aux anges. Chez nos voisins, tout va pour le mieux.
Le reportage montre une femme d’affaires dont les affaires marchent plutôt bien, dont la société est implantée dans un quartier chic de Casablanca et dont le domicile se trouve dans une résidence cossue de style européen. Bref, une vie idyllique agrémentée d’un soleil chaud et d’un accueil chaleureux que nos voisins marocains réservent à leurs bienheureux hôtes. Seulement voilà, au milieu de ces images de rêve, point de Marocains, sinon au souk où Madame la femme d’affaires va faire ses courses. Une triste réalité qui nous rappelle un court séjour dans la capitale économique du Maroc. 
Reçu par des amis marocains, ces derniers ont eu tout le mal du monde à contourner les nombreux bidonvilles qui ceinturent la ville et, pour effacer cette vue hideuse qui agresse le visiteur – ces amis savaient pourtant que je venais d’Alger et non pas de Beverly Hills –, ils m’ont conduit directement sur les hauteurs de Casablanca, dans un quartier calqué au millimètre près sur ceux du sud de la France. S’attendant à me voir lancer un «wow !» d’ébahissement devant cette «splendeur», mes hôtes furent étonnés d’entendre cette question dont la réponse est sous-entendue : «Mais où sont passés les Marocains ?» 
Avec 500 entreprises implantées au Maroc, des maisons traditionnelles – les fameux riads – rachetées l’une après l’autre à Marrakech, des Marocaines transformées en boniches et des Marocains en porteurs, la France agit dans ce pays comme si elle se trouvait encore en Algérie avant 1962. Forte de son expérience de 132 ans d’une colonisation ratée qui s’est achevée par un retrait aussi sanglant qu’humiliant d’Algérie, la France a troqué sa gégène et ses barbelés contre une colonisation douce un peu plus à l’ouest. Jusqu’à quand les Marocains supporteront-ils cette avanie ?

M. Aït Amara

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