Le mensuel Afrique Asie est revenu, dans son édition du mois de janvier 2013, à paraître aujourd’hui, sur la visite d’Etat que le président François Hollande a effectuée en Algérie, les 19 et 20 décembre, en soulignant qu’il « l’a quittée avec la conviction que Paris et Alger doivent à l’avenir regarder ensemble dans la même direction, dans un contexte international gorgé de menaces ».
Dans un article intitulé « Algérie-France, le nouvel âge », le directeur de la rédaction, Majed Nehmé, observe que « la célérité » avec laquelle François Hollande a répondu à l’invitation du président Abdelaziz Bouteflika « suggérait aussi que de lourds dossiers reçus en héritage du quinquennat Sarkozy étaient en souffrance, qu’il fallait rouvrir le plus rapidement possible ». « François Hollande était attendu à Alger avec en toile de fond une question lancinante », note le mensuel qui se demande si le président « normal » parviendra enfin à « normaliser » la relation franco-algérienne « qui a évolué en dents de scie depuis un demi-siècle, tantôt décrispée, tantôt à la limite de la rupture ». « Trouvera-t-il les mots justes pour apaiser les mémoires ? », s’interroge encore le mensuel, estimant que « la longue confrontation entre les deux pays, depuis la conquête de l’Algérie (1830) jusqu’à la cruelle guerre d’indépendance (1954-1962), a fait que leur histoire commune fut loin d’être un long fleuve tranquille ». « Malgré les initiatives des historiens en faveur d’une mémoire partagée, chaque pays continue à cultiver sa propre mémoire de ce que Paris ne reconnut que très tardivement en 1999 comme une guerre », dira l’auteur de l’article d’Afrique Asie, qui rappelle aussi que la France « s’est satisfaite pendant des décennies de parler d’+évènements d’Algérie+, en occultant la torture, les exécutions sommaires des combattants nationalistes, qualifiés de terroristes, et les exactions contre les populations civiles dans le vain espoir de rompre le cordon qui les liait à la résistance ».
Le mensuel ajoute également que « le pas en avant esquissé par Jacques Chirac en faveur de la reconnaissance des méfaits de la colonisation fut bientôt effacé par un pas en sens inverse avec un décret célébrant ses bienfaits », faisant valoir que l’abrogation de « la disposition scélérate, sous la pression des démocrates français relayant les véhémentes protestations algériennes, n’est pas parvenue, sept ans après, à venir à bout de l’indignation ». « Jouant la carte d’une droite décomplexée » ouverte sur l’électorat d’extrême-droite, Nicolas Sarkozy, le prédécesseur de Hollande, préféra réserver ses « excuses » aux harkis « ces Algériens qui prirent les armes contre leur peuple dans les rangs de l’armée d’occupation avant d’être abandonnés à leur sort par le pouvoir français » et renvoya dos à dos colonisés et colonisateurs dans une symétrie relevant plus d’une esthétique déplorable que de la vérité historique », commente Afrique Asie.
Revenant sur le parcours politique de François Hollande, le mensuel écrit : « issu d’une famille déchirée par la guerre coloniale, un père en faveur de l’Algérie française et une mère anticolonialiste, il s’est rallié à cette dernière avant de tracer son sillon au sein du Parti socialiste ». « Il s’est imposé avec lucidité (son mot fétiche) un droit d’inventaire sur ce que fut la politique de ses aînés en Algérie », relève l’article qui revient sur le livre de M. Hollande. « Le Devoir de vérité », où il assène que la SFIO (ancêtre du PS) avait « perdu son âme dans la guerre d’Algérie (à) en entraînant la France dans l’engrenage fatal de la guerre alors qu’elle avait été élue pour faire la paix », poursuit le mensuel.
Sur son discours devant les deux Chambres du Parlement algérien, Afrique Asie relève qu »’usant de mots sobres, pesés au trébuchet, François Hollande, qui évoluait sur une corde raide, a dit l’essentiel de ce que les Algériens souhaitaient entendre, sans l’exiger formllement ». « Il s’est contenté d’un service minimum, +sans repentance, ni excuses+, en répondant à l’appel du président Abdelaziz Bouteflika à dépasser +la guerre des mémoires+. Pendant 132 ans, l’Algérie a été soumise à un système profondément injuste et brutal. Ce système a un nom : c’est la colonisation », rapporte Afrique Asie citant le chef de l’Etat français. « Je reconnais ici les souffrances que la colonisation a infligées au peuple algérien », a-t-il dit, se plaçant sous le patronage de l’anticolonialiste Georges Clemenceau, le « père de la Victoire » de la Première Guerre mondiale, plutôt que sous celui du chef du parti de l’expansion coloniale, Jules Ferry », écrit encore le mensuel. « Ces souffrances demeurent ancrées dans la mémoire et la conscience des Algériens », a ajouté le président français, qui a évoqué notamment les massacres de Sétif, Guelma et Kherrata du 8 mai 1945, « lorsque la France, manquant à ses valeurs universelles, a livré les populations des trois villes de l’Est algérien à la vindicte colonialiste : 45.000 morts », et d’ajouter : « la vérité doit être dite aussi sur les circonstances dans lesquelles l’Algérie s’est délivrée du système colonial (à) par une guerre qui refusait de dire son nom (à) ». « Discours politique, tout en nuances, qui a su éviter le piège tendu par les appels à faire du passé table rase et de jeter ainsi un voile pudique sur un passé colonial infâme d’oppression, de spoliation et d’exploitation », observe le mensuel. « Ce pas difficile franchi sans trébucher, François Hollande s’est livré à une présentation du +nouvel âge+ », selon ses mots, qu’il veut inaugurer dans les rapports franco-algériens, en tournant la page du passé tumultueux », ajoute Afrique Asie. « Je ne viens pas pour faire du commerce, mais pour inaugurer un temps nouveau », a-t-il dit. Pragmatique, il a souligné : « La proximité entre la France et l’Algérie n’est pas une incantation, ni une invention, une abstraction ou une construction. C’est une réalité ». Il a invité les deux pays à « passer à la vitesse supérieure » pour construire un « partenariat stratégique, d’égal à égal » autour de la Méditerranée. « Le Mali, où le Conseil de sécurité de l’ONU a autorisé une opération militaire africaine pour en déloger les terroristes, sera le premier test de cette coopération renouvelée », estime le mensuel. « Mettant en sourdine un discours de va-t-en-guerre adopté initialement, Paris s’en est remis à Alger pour explorer toutes les voies d’une solution politique avant de faire parler les armes », estime-t-il. « Même inflexion sur le Sahara Occidental. En répétant avec force que la France ne reconnaissait pour résoudre ce conflit que +l’ONU, rien que l’ONU et toutes les résolutions de l’ONU+ et en rappelant que +le droit à l’autodétermination des peuples ne se discute pas+, François Hollande s’est démarqué de ses deux prédécesseurs, Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy, dont le +tropisme marocain+ a retardé la solution », écrit enfin le mensuel.
HORIZONS, 1/1/2013
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