Tom Stevenson
LAAYOUNE, 05 janvier (IPS) – Il y a plusieurs similitudes à souligner entre les territoires palestiniens occupés par Israël et le Sahara occidental qui est contrôlé depuis des décennies par le Maroc. Mais alors que l’un de ces conflits bénéficie d’une extrême médiatisation, l’autre semble totalement ignoré car peu de gens suivent vraiment l’avenir des territoires au sud du Maroc.
À Laâyoune, la capitale du Sahara occidental, les agents de sécurité sont omniprésents pour disperser les manifestations. Le dernier incident en date s’est produit le 10 décembre dernier quand une manifestation a démarré devant le bureau de la Commission marocaine des droits de l’Homme.
Depuis 1975, le Sahara occidental est entre les mains du pouvoir marocain. Après le départ des Espagnols suite à la mort de Franco, le Maroc et la Mauritanie ont décidé d’occuper ces territoires. En 1979, la résistance interne a réussi à chasser les Mauritaniens mais le roi du Maroc Hassan II a affiché sa détermination pour conserver ces territoires qu’il considérait comme son arrière-jardin.
Les colons
Des centaines de colons marocains ont été encouragés, à l’aide de subventions et des emplois, à s’installer au Sahara occidental et d’y vivre sous protection militaire. Le Maroc a mené une guerre contre les combattants indigènes sahraouis jusqu’en 1991 où l’ONU a pu négocier un cessez-le-feu négocié en promettant l’organisation d’un référendum sur l’indépendance de ces territoires dans les six mois à dater de la fin des tirs.
Ce référendum n’a finalement jamais été organisé. Le Maroc continue de contrôler le Sahara occidental et profite du commerce de ses ressources naturelles comme le phosphate et le poisson. Le pays est désormais le dernier «territoire non autonome» en Afrique d’après l’Organisation des Nations Unies. Entre 100.000 et 140.000 soldats marocains (sur une population totale d’environ 500.000 personnes) y séjournent quotidiennement.
À cause des combats, la plupart des habitants du Sahara occidental ont fui vers des camps situés dans le sud de l’Algérie mais d’autres, aujourd’hui minoritaires, ont préféré rester.
La mission de paix de l’ONU bénéficie d’une compétence très limitée et le Conseil de sécurité de l’ONU n’arrive même pas à se mettre d’accord pour commander un rapport sur les violations des droits de l’homme dans ces territoires.
L’accès des journalistes au Sahara occidental est fortement limité. Ainsi, on sait très peu de choses sur la vie des Sahraouis qui continuent de vivre dans la zone contestée.
Discrimination
« Notre groupe est masquée », a déclaré Fatima Tobarra, Présidente du Centre sahraoui pour les femmes et les enfants, lors d’une interview à Al Jazeera. « Nous voulions mettre en place une organisation officielle, mais les autorités marocaines ont refusé de traiter notre demande ».
Ce Centre estime que les habitants du Sahara sont fréquemment victimes de discrimination et de violence. « La police surveille les écoles et intimide les enfants sahraouis. Une fois à l’intérieur de l’école, ils doivent faire face à la discrimination des enseignants qui sont presque toujours Marocains », explique Tobarra. « Nos enfants ne peuvent même pas s’inscrire dans les activités des groupes d’enfants marocains. »
« Ainsi, nous ne pouvons et nous ne voulons pas continuer à vivre ainsi. Nous voulons retrouver la liberté, tout comme les gens dans d’autres pays tels que la Tunisie et le Yémen », ajoute-t-elle.
Impunité
Malgré la présence massive des forces de l’ordre, les Sahraouis continuent d’organiser des manifestations contre l’administration marocaine en rappelant à chaque fois qu’ils sont considérés comme des citoyens de seconde classe.
Khalil, un jeune militant du mouvement de protestation Gdeim Izik affirme que les forces de sécurité ont décidé étouffer de manière préventive toute protestation et souvent à l’aide de balles. « Ils ne se soucient pas de savoir si vous êtes jeune ou vieux, homme ou femme – si vous êtes l’un des manifestants, ils vous attaqueront. »
Il y a souvent des blessés et parfois morts, mais la police nie systématiquement toute implication. Human Rights Watch peut également témoigner de la situation tendue. En 2010, l’un de leurs chercheurs a ainsi été battu en plein jour. L’organisation a qualifié l’attaque d’un exemple typique de l’impunité dont bénéficie les policiers du régime marocain.
L’actuel leader de la coordination Gdeim Izik, Lahib Salhi, affirme que « la population vit ici sous surveillance permanente et sous la baguette des Marocains La communauté internationale doit faire ce qu’elle nous a promis : organiser un référendum et nous donner l’occasion de vivre comme nous le voulons ».
Palestine
Il y a des similitudes à faire entre la situation au Sahara occidental et la Palestine, estiment certains observateurs. De ces deux territoires des superpuissances ont décidé de se retirer mais d’autres puissances étrangères ont décidé d’occuper ces territoires ; sur ces deux territoires la population indigène est fortement mise sous pression et les membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU font le maximum pour maintenir le statu quo.
Mais alors que le conflit israélo-palestinien est l’un des conflits les plus médiatisés de l’histoire au monde, peu de gens savent ce qui se passe au Sahara occidental.
De nombreux Sahraouis pensent que c’est la faute à la communauté internationale. « Les Marocains ont pris possession de notre pays parce qu’ils le peuvent, parce qu’ils se sont sentis forts et parce qu’ils avaient le soutien de la France, des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne. Pourtant, ils savent que leurs arguments sont fallacieux. Combien de temps tout cela durera encore pour que le monde décide de mettre fin à cette injustice? », s’interroge M. Salhi.
IPS, 5/1/2013
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