Par Mohamed Abdoun
Lorsque la France de Sarkozy avait crié au loup, et fait tomber un déluge de bombes sur la Libye (ce qui outrepassait largement le mandat limité accordé à cette époque par le Conseil de sécurité de l’ONU) sous le fallacieux prétexte de faire tomber un dangereux dictateur, l’Algérie avait été un des rares pays à indiquer que le peuple libyen devait décider souverainement de son sort, qu’il ne fallait pas s’ingérer de cette manière si musclée dans ses affaires internes et souveraine et qu’une chute brutale du régime de la Jamahiriya aurait pour dramatique conséquence de libérer et de mettre en libre circulation un formidable arsenal de guerre. Ce dernier, bien sûr, allait choisir en premier lieu le chemin du Sahel où vivent en bonne entente terroristes, contrebandiers et trafiquants d’armes. Des arsenaux de guerre allaient également se déverser sur la Tunisie, premier pays à être tombé victime d’un bien glacial « printemps arabe ». Plusieurs quantités y ont déjà été interceptées, et des groupes de criminels démantelés, dont certains se préparaient carrément à mener des attentats en Algérie.
La mise en garde de notre pays était donc particulièrement prémonitoire et juste, car venant de la part d’un Etat qui a eu à lutter seul contre le terrorisme le plus barbare et le plus sanguinaire qui ait jamais existé sur la terre. L’Algérie est également une très grande puissance économique, militaire et géostratégique au niveau de la sous-région nord-africaine, c’est-à-dire la bande sahélo-saharienne ainsi que le Maghreb arabe. Il est vrai, hélas, que Paris ne pouvait rien faire d’autre que de demeurer sourde à ce genre de mises en garde, simplement parce qu’elle n’a jamais été motivée par ces fausses considérations hautement humanitaires. Sarkozy, qui a partie lié avec l’assassinat de Kadhafi, de crainte que celui-ci ne rende publique, preuves à l’appui, la manière sulfureuse et délictueuse avec laquelle l’ancien président français avait financé sa campagne électorale, n’a jamais renoncé à la doctrine de la «Françafrique », non plus François Hollande. En effet, la politique extérieure de la France n’a pas dévié d’un iota depuis que l’UMP a cédé le pouvoir au profit des socialistes. Ce sont avant tout les richesses et les intérêts étroits de ce pays qui préoccupe ce pays en ce qui concerne ses rapports avec ses anciennes colonies. Voilà pourquoi elle a décidé de sacrifier un « ami » de longue date, Kadhafi en l’occurrence, et pris le risque d’embraser tout le Sahel, rien que pour donner un souffle nouveau au GMO (Grand Moyen-Orient) américano-sioniste, et garder la haute main sur l’exploitation des gisements d’uranium au Niger.
Ce faisant, Paris a donc accepté que des milliers de touaregs, jadis « bridés » par Kadhafi, rentrent au bercail, se rendent compte que les président maliens successifs, Alpha Oumar Konaré et Amadou Toumané Touré, n’aient pas appliqué les accords de paix d’Alger (encouragés en cela par la France), et se décident, en toute logique, à reprendre les armes pour libérer leur « cher Azawad ». Dont acte.
Paris, mais aussi beaucoup d’autres puissances occidentales, ont également accepté de traiter avec des terroristes notoires, dont l’émir national du GICL, (Groupe Islamique pour le Combat en Libye), branche locale d’Al-Qaïda, Abdelhakim Belhadj, devenus par la suite les maitres incontestés de ce pays, jadis paisible et prospère. Ces mêmes terroristes avaient également pris en chasse les touaregs, les accusant d’avoir été des mercenaires au service de Kadhafi, en en exécutant beaucoup, accélérant au passage leur exode massif vers le Mali.
Comment s’étonner dès lors en constatant que la lâche attaque qui a visé notre pays ait été planifiée et exécutée à partir de la Libye. Il n’est même pas exclu que des puissances occidentales ou autres y soient mêlées, soit de près, soit de loin. L’Algérie, qui se trouve en effet dans l’œil du cyclone, à qui on ne pardonnera jamais la justesse et surtout le courage de bon nombre de ses positions, notamment en ce qui concerne la Palestine et le Sahara Occidental, vit très certainement sous la menace d’autres attentats d’aussi grande envergure.
Humainement et techniquement parlant, il est quasi impossible de sécuriser et de fermer de manière hermétique les milliers de kilomètres de frontières qui séparent le sud, l’est et l’ouest algérien de pays abritant des entités, parfois des gouvernements, qui nous sont très franchement hostiles.
Hollande, le va-t-en guerre, dont l’invasion du Mali ne fait plus l’unanimité au sein de la classe politique hexagonale, est pour sa part engagé dans une homérique course contre la montre. Prenant d’énormes risques en faisant route vers le nord du Mali, il envoie peut-être ses hommes à l’abattoir. Et lui aussi, par la même occasion. Les terroristes qui occupent la partie septentrionale du Mali, bien entrainés à la guérilla, habitués à (sur)vivre dans des conditions extrêmes pendant des mois, et dotés de redoutables et sophistiqués armements venus des arsenaux libyens, peuvent en effet faire très mal. Comme écrit précédemment dans ces mêmes colonnes, il est aisé pour une armée comme la France, dans cette guerre asymétrique, de « libérer » les grandes cités comme celle du nord du Mali que sont Tombouctou, Gao et Kidal. Mais comment les garder sous contrôle ensuite, et éviter que les terroristes, désormais alliés des touaregs d’Ançar Dine, rendant toute solution politique quasi impossible, ce en ne harcelant les troupes françaises et africaines, en leur infligeant de sévères défaites aussi bien sur le plan militaire que politique ?
Et ce n’est pas là une simple question…
LE COURRIER D’ALGERIE, 21/1/2013
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