Le Maroc dit être sur la même longueur que la France dont les avions militaires ont survolé son espace aérien pour aller bombarder les groupes armés au Nord-Mali. En outre, Rabat n’exclut pas d’engager, le moment venu, ses troupes dans la guerre.
Le Maroc cherche à exploiter la guerre au Mali pour faire valoir ses thèses contestées sur le Sahara occidental et conforter sa position dans la région, en s’engageant au fur et à mesure dans le conflit.
Pour l’instant, il apporte un soutien politique intéressé à l’intervention de la France au Nord-Mali, en attendant de s’y engager militairement. Le ministre de l’Intérieur marocain, Mohand Laenser, n’a pas vraiment exclu l’envoi de soldats combattre aux côtés des soldats français, disant que «pour le moment» le Maroc n’impliquera pas son armée. Contrairement à l’Algérie dont l’armée n’est intervenue hors de ses frontières qu’en 1967 et 1973, lors des deux guerres qui avaient opposé les Arabes à Israël, la monarchie marocaine, quant à elle, a à maintes reprises envoyé ses troupes guerroyer sur des théâtres d’opérations extérieurs en Afrique, au Moyen-Orient et en Europe.
Lié à la dictature zaïroise de Mobutu Sese Seko dont il était un ami proche, le roi du Maroc, Hassan II, dépêche en 1978 des contingents militaires marocains pour sauver son épouvantable régime menacé lors de la guerre du Shaba, anciennement Katanga. Accusant l’Union soviétique d’être à l’origine de la révolte populaire qui avait failli emporter son pouvoir, Mobutu Sese Seko appelle les Etats-Unis, la France et la Belgique, ancienne puissance coloniale – qui y ont répondu favorablement – à la rescousse. Comme cela se passera sans doute au Mali, des avions C141 américains «évacuaient des soldats européens du Shaba pour amener des soldats marocains à Lubumbashi» pour les suppléer.
La justification du soutien «sans réserve» apportée par Rabat à l’intervention française au Mali rappelle celle invoquée, il y a trente cinq ans, dans la guerre du Shaba, au Zaïre : «la défense de l’intégrité territoriale du Mali et sa souveraineté». C’est évidemment sans aucune arrière-pensée régionale que le Maroc, qui n’est pas comme on dit un «pays du champ», se lancerait dans l’aventure malienne, se mettant en première ligne au risque d’importer la guerre sur son propre territoire et perdre beaucoup d’hommes dans des combats au sol. Pourtant, à l’occasion de la rencontre des ministres de l’Intérieur marocain, français, espagnol et portugais à Rabat, vendredi dernier, Mohand Laenser, leur a fait part de «la prolifération des cellules terroristes sur [le sol marocain]». Cependant, aux yeux du Maroc, l’enjeu du Sahara occidental est certainement plus important que les conséquences que pourrait avoir sa position malienne sur sa sécurité intérieure.
Dans le même esprit, et dans un contexte politique international dangereux, il n’a pas hésité à envoyer 17 000 hommes et quelques chars en Irak, dans le cadre de la coalition formée par les Etats-Unis pour détruire le complexe militaro-industriel irakien. En 1993, il récidive en Somalie, quasiment dans les mêmes conditions que lors de la guerre du Shaba.
Alors que les forces américaines quittaient la Somalie, le contingent marocain, qui s’élevait à plusieurs milliers d’hommes, est demeuré sur place en même temps que d’autres contingents, notamment égyptien.
Par ailleurs, il y a lieu de noter que le Maroc qui avait participé, en 1999, à la force de maintien de la paix au Kosovo, sous le commandement de l’Otan, n’a toujours pas reconnu l’indépendance de ce pays qu’il considère toujours comme partie intégrante de la Serbie, de crainte que cette reconnaissance n’influe sur la question du Sahara occidental qu’il occupe. Ce n’est, donc, pas innocemment que le Maroc, qui a déjà permis aux Mirage et aux Rafale français de survoler son espace aérien, se montre disponible à servir, le cas échéant, au Nord-Mali.
Brahim Younessi
Mon Journal, 27/1/2013
Soyez le premier à commenter