Quoique terriblement gênée par le projet de résolution américaine sur l’élargissement des prérogatives de la Minurso à la surveillance des droits de l’Homme au Sahara occidental, soumis au Conseil de sécurité de l’ONU, la France n’entendrait pas s’y opposer, selon des diplomates français ayant requis l’anonymat. Une position qui ajoute déjà de l’intensité aux crampes de la diplomatie marocaine.
Sofiane Aït Iflis – Alger (Le Soir) – Sans un soutien de la France, son allié traditionnel, le Maroc est quasi-certain d’avoir à vivre, dans une solitude terrifiante, le plus significatif revers diplomatique, depuis l’éclatement du conflit du Polisario au milieu des années 1970. Rabat a déjà perdu de sa sérénité, ce que dénote fort clairement la décision du roi Mohamed VI d’annuler les manœuvres militaires qui devaient se dérouler dans le royaume sous la supervision de l’Africom.
Les Américains ayant à l’initiative de saisir le Conseil de sécurité de l’ONU pour un renouvellement de la mission de la Minurso avec des prérogatives élargies à la surveillance des droits de l’Homme, le Maroc attendait que la France lui évite, une fois de plus, de souffrir pareille situation, qui ajoute à la probabilité de l’organisation d’un référendum d’autodétermination. Mais il se trouve que la France ne s’empresse pas de rassurer le royaume alaouite.
Hier vendredi, le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, Philippe Laillot, cité par l’agence Reuters, a indiqué que «nous n’en sommes pas au stade aujourd’hui de dire si nous allons voter pour ou contre». Une indétermination que les diplomates ont vite comprise comme une résolution à ne pas opposer le non synonyme de veto. Des diplomates à l’ONU, cités par la même agence, avaient fait savoir jeudi que la France ne mettrait probablement pas son veto à la résolution américaine.
Le très informé journal Le Monde a rapporté jeudi qu’un diplomate français a reconnu que la position de la France est «délicate». La France, quand bien même elle aimerait encore rendre service à son ami le roi Mohamed VI, ne peut s’élever sur une recommandation portant surveillance des droits de l’Homme au Sahara occidental. Mise devant le fait accompli par les Américains qui ne l’auraient pas préalablement consultée sur ce projet de résolution, la France vivrait un sérieux dilemme, partagée qu’elle se retrouve entre un soutien au Maroc et une fidélité à sa réputation de pays des droits de l’Homme.
Lors de sa visite d’Etat au Maroc, le président français François Hollande avait affirmé que son pays soutenait le plan d’autonomie marocain pour le Polisario, présenté depuis 2007. Hollande avait estimé que le plan présentait une base sérieuse et crédible pour une solution négociée. Cependant, on n’en est plus dans cette considération, après la présentation du projet de résolution américain.
Philippe Lalliot a affirmé vendredi que «c’est un projet de résolution présenté par les Etats-Unis au groupe des amis du Sahara occidental (Etats- Unis, Royaume-Uni, France, Espagne et Russie). C’est donc dans ce cadre que les discussions se tiennent. Ce projet est présenté pour adoption fin avril. La France n’en est pas aujourd’hui à dire si on va voter pour ou contre. La France est à examiner ce projet». Les discussions au sein du groupe devraient se clore lundi et le vote de la résolution par le Conseil onusien est prévu pour le 25 avril.
Le rapport qui dénude le Royaume
Le département d’Etat américain a dénoncé, dans un nouveau rapport, la violation des droits de l’Homme des Sahraouis au Sahara occidental. Le rapport cite des violences physiques, des cas de torture des détenus, le recours à la détention arbitraire et l’impunité des forces marocaines. Une bonne base d’appui à la résolution américaine. Le rapport mondial 2013 du département d’Etat américain consacre 12 pages entières à la situation des droits de l’Homme au Sahara occidental. «Des rapports crédibles indiquent que les forces de sécurité marocaines sont impliquées dans la torture, les coups et autres mauvais traitements infligés aux détenus sahraouis», a souligné le département de John Kerry. Un plaidoyer, donc, pour l’élargissement de l’action de la Minurso à la surveillance des droits de l’Homme au Sahara occidental.
Le rapport du département d’Etat américain a précisé que «la plupart de ces traitements dégradants surviennent suite aux manifestations indépendantistes ou à celles appelant à la libération des prisonniers politiques sahraouis». Le rapport cite le cas d’Aminatou Haider, prise à partie par la police marocaine après son entrevue à El Ayoun avec l’envoyé spécial du secrétaire général de l’Onu pour le Sahara occidental, Christopher Ross. Des atteintes aux droits de l’Homme confirmées par le rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture, lors de sa visite en mars au Maroc et au Sahara occidental. «J’ai de bonnes raisons de croire qu’il y a des allégations crédibles sur les agressions sexuelles, les menaces de viol de la victime ou de membres de sa famille, et les autres formes de mauvais traitements», avait-il soutenu. Le rapport du département d’Etat américain souligne aussi l’impunité dont bénéficie la police marocaine. Une impunité qui, fait-il noter, demeure un problème.
S. A. I.
Le soir d’Algérie, 21 avril 2013
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