Dakhla, Sahara Occidental.- Le tristement célèbre camp de Gdeim Izik, où s’étaient installés des milliers de Sahraouis pour protester contre la ségrégation dont ils sont victimes de la part des autorités d’occupation marocaine et exiger la tenue d’un référendum d’autodétermination, avait connu une sanglante et tragique fin lorsque l’armée et les forces de police avaient foncé dans le tas, tuant plusieurs personnes, dont des femmes et des enfants.
Tout porte à croire que des évènements tragiques, particulièrement préoccupants, sont en gestation au niveau de la ville de Dakhla, sise dans les territoires occupés sahraouis. En effet, le dénommé Bouchaïb Rmail, patron de la DGSN marocaine (Direction générale de la Sûreté nationale), est arrivé le 8 juin courant dans cette ville, principale destination touristique des territoires occupés sahraouis. Officiellement, le chef de la police y est arrivé pour installer un nouveau responsable de la sécurité. Mais des sources sur place n’écartent pas l’existence d’une autre raison, beaucoup plus pressante celle-là. Car, depuis quelques jours, près de deux cents familles sahraouies menacent de mettre en place un campement dans les environs de Dakhla. Ces familles veulent protester contre la spoliation de leurs terres en faveur d’investisseurs du Golfe, lesquels ne s’encombrent même du statut onusien de pays à décoloniser dont jouit le Sahara occidental, ce qui rend caducs et illégaux tous les contrats internationaux passés avec les forces d’occupation marocaines.
Les autorités craignent un remake des graves événements de Gdeim Izik, autre campement installé il y a plus de deux ans dans les parages de Laâyoune et dont le démantèlement musclé s’était terminé par plusieurs décès. Non contentes d’avoir réprimé dans le sang cette forme de manifestation pacifique, les autorités marocaines sont allées encore plus loin, en interpellant de présumés cerveaux de ce mouvement, les condamnant à des peines extrêmement lourdes en leur faisant endosser les crimes dont celles-ci s’étaient rendues coupables.
Les 24 prisonniers politiques sahraouis du camp de Gdeim Izik ont même entamé une grève de la faim à la fin de l’année passée pour marquer leur deuxième année consécutive de détention. Cette nouvelle grève de la faim qui avait coïncidé avec la visite de l’Envoyé personnel du Secrétaire général de l’Organisation des Nations unies pour le Sahara occidental, Christopher Ross, dans la région et avec le 37e anniversaire de l’annexion du territoire sahraoui par le Maroc, est observée pour rappeler le démantèlement du camp de Gdeim Izik le 8 novembre 2010 par les forces marocaines. La grève a été déclenchée pour rappeler à l’opinion publique les «24 mois de souffrance» mais aussi pour réaffirmer la détermination de la «résistance pacifique du peuple sahraoui», ont souligné les prisonniers avant de dénoncer leur incarcération sans aucune décision de justice et leur comparution devant un tribunal militaire. Depuis leur détention, les prisonniers politiques sahraouis ont observé plusieurs grèves de la faim afin d’alerter l’opinion publique et revendiquer l’amélioration de leurs conditions de détention ainsi que leur libération inconditionnelle ou la tenue d’un procès juste et équitable devant un tribunal civil.
Le 24 octobre dernier le tribunal militaire de Rabat avait reporté leur procès, pour la seconde fois à une date ultérieure, après un premier report intervenu le 13 janvier 2012. Aucune raison n’a été fournie sur ce report par le juge d’instruction à leurs familles. Selon des organisations et juristes indépendants présents au tribunal dans la capitale marocaine, «un renvoi sans audience et sans qu’aucune date de procès ne soit fixée équivaut à un». «Si l’on peut considérer que le report du procès est un signe de faiblesse des autorités marocaines et confirme la vacuité d’un dossier, le maintien en détention sans aucune décision judiciaire est contraire à la fois aux normes marocaines, et aux normes internationales dont le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et son article 9», indique le rapport des observateurs européens.
Neuf (9) parmi ces détenus ont été condamnés à la réclusion à perpétuité, au mois de février passé, sans qu’aucune charge solide ne soit retenue contre eux ni qu’aucune preuve ne soit produite face à un tribunal militaire qui n’est pas non plus habilité à juger des détenus d’opinion. Cela place Rabat dans une position très délicate par rapport à la communauté internationale, et même par rapport à ses alliés traditionnels que sont la France et l’Espagne. Voilà pourquoi, donc, le Maroc s’inquiète et donne l’air de vouloir tout faire pour éviter un second Gdeim Izik à Dakhla.
Kamel Zaïdi
Le Courrier d’Algérie, 11 juin 2013
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