DOCUMENTO – MAROC ET SAHARA OCCIDENTAL. UN JOURNALISTE A ÉTÉ INCULPÉ AU TITRE DE LA LOI RELATIVE À LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME. ALI ANOUZLA
Action complémentaire sur l’AU 261/13, MDE 29/013/2013 – Maroc et Sahara occidental 26 septembre 2013
ACTION URGENTE UN JOURNALISTE A ÉTÉ INCULPÉ AU TITRE DE LA LOI RELATIVE À LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME Le journaliste Ali Anouzla a été inculpé, dans la nuit du 24 septembre, d’« apologie d’actes constituant des infractions de terrorisme » et d’avoir fourni une « assistance à une personne auteur, coauteur ou complice d’un acte terroriste ». Il a été transféré à la prison de Salé II, près de Rabat. Ali Anouzla a été inculpé au titre des articles 218-2 et 218-6 de la Loi no 03-03 relative à la lutte contre le terrorisme du 28 mai 2003, qui prévoient des peines allant jusqu’à six et 20 ans d’emprisonnement, respectivement.
Amnesty International considère cet homme comme un prisonnier d’opinion, détenu uniquement pour avoir exercé son métier de journaliste. Les charges retenues contre lui sont liées à un article publié sur le site internet d’information Lakome, dont il est directeur de la publication pour la version arabe.
Cet article faisait référence à une vidéo du groupe armé Al Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) intitulée Maroc : le royaume de la corruption et du despotisme. Le site critiquait la vidéo, la qualifiant de propagande, et ne soutenait pas l’appel d’AQMI. La vidéo n’était pas publiée dans l’article.
Amnesty International pense que les charges retenues contre Ali Anouzla sont sans fondement et que cet homme a été inculpé en représailles de l’indépendance éditoriale de Lakome et les critiques publiées sur le site envers les autorités.
Réagissant aux critiques émises par différentes ONG, dont Amnesty International, le ministre marocain de la Communication a déclaré, le 23 septembre, qu’il fallait établir une « distinction claire et nette entre la liberté d’expression et le droit de la société à l’information d’une part, et l’incitation au terrorisme et la diffusion de cette incitation » d’autre part. Amnesty International pense que les poursuites engagées contre Ali Anouzla sont un exemple troublant de l’incapacité des autorités à faire cette distinction et l’organisation s’inquiète du fait que cette affaire indique que toute discussion autour du terrorisme, y compris le fait de critiquer des stratégies de lutte contre le terrorisme, sera considérée par le gouvernement marocain comme une infraction pénale. Cette position est incompatible avec les obligations du Maroc aux termes du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), qui garantit la liberté d’expression, y compris la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, et porte atteinte au droit à l’information des Marocains.
DANS LES APPELS QUE VOUS FEREZ PARVENIR LE PLUS VITE POSSIBLE AUX DESTINATAIRES MENTIONNÉS CI-APRÈS (en arabe, en français ou dans votre propre langue) : dites-vous préoccupé-e par le fait que le prisonnier d’opinion Ali Anouzla ait été inculpé au titre de la loi marocaine draconienne relative à la lutte contre le terrorisme et réclamez sa libération immédiate et sans condition ; appelez les autorités marocaines à respecter l’obligation qui leur incombe aux termes de l’article 19 du PIDCP et à faire en sorte que les journalistes soient en mesure d’exercer librement leur profession ; priez-les instamment de veiller à ce que la législation nationale, y compris la Loi no 03-03 relative à la lutte contre le terrorisme, soit modifiée et mise en conformité avec les obligations du Maroc au regard du droit international relatif aux droits humains. ENVOYEZ VOS APPELS AVANT LE 7 NOVEMBRE 2013 À : Ministre de la Justice et des Libertés Mustafa Ramid Ministère de la Justice et des Libertés Place El Mamounia – BP 1015 Rabat, Maroc Fax : +212 537 73 47 25 Formule d’appel : Monsieur le ministre,
Ministre de l’Intérieur Mohand Laenser Ministère de l’Intérieur Quartier administratif Rabat, Maroc Fax : + 212 537 76 68 61 Formule d’appel : Monsieur le ministre,
Copies : Président du Conseil national des droits de l’homme Driss El Yazami CNDH, Place Achouhada- BP 1341, 10 001, Rabat. Maroc Courriel : elyazami@cndh.org.ma Fax : +212 537 73 29 27
Veuillez également adresser des copies aux représentants diplomatiques du Maroc dans votre pays (adresse/s à compléter) : nom(s), adresse(s), n° de fax, adresse électronique, formule de politesse Vérifiez auprès de votre section s’il faut encore intervenir après la date indiquée ci-dessus. Merci. Ceci est la première mise à jour de l’AU 261/13. Pour plus d’informations : http://www.amnesty.org/fr/library/info/MDE29/012/2013/fr
ACTION URGENTE UN JOURNALISTE A ÉTÉ INCULPÉ AU TITRE DE LA LOI RELATIVE À LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME
COMPLÉMENT D’INFORMATION L’article 218-2 de la Loi no 03-03 relative à la lutte contre le terrorisme érige en infraction « l’apologie d’actes constituant des infractions de terrorisme, par les discours, […] par des écrits [ou] par des affiches exposées au regard du public par les différents moyens d’information audio-visuels et électroniques » et prévoit des peines allant jusqu’à six ans d’emprisonnement et 200 000 dirhams (environ 18 000 euros) d’amende. L’article 218-6, rend le fait de porter « sciemment » assistance « à une personne auteur, coauteur ou complice d’un acte terroriste » passible d’une peine pouvant aller jusqu’à 20 années de réclusion.
Amnesty International est particulièrement préoccupée par la façon dont le Maroc utilise une loi relative à la lutte contre le terrorisme, profondément déficiente et prévoyant de lourdes peines de prison, pour juger un journaliste qui n’a fait qu’exercer son métier. En décembre 2011, le Comité des Nations unies contre la torture a dénoncé le champ d’application trop large de la Loi no 03-03 relative à la lutte contre le terrorisme, qui définit l’apologie du terrorisme et l’incitation à des actes terroriste comme des délits même si elles n’entraînent aucun véritable risque d’action violente, et a recommandé aux autorités marocaines de veiller à ce que cette loi soit mise en conformité avec le droit international relatif aux droits humains.
L’Observation générale no 34 du Comité des droits de l’homme des Nations unies, qui est chargé de contrôler le respect du PIDCP par les États parties, indique : « Des infractions telles que l’“encouragement du terrorisme” et l’“activité extrémiste” , ainsi que le fait de “louer”, “glorifier” ou “justifier” le terrorisme devraient être définies avec précision de façon à garantir qu’il n’en résulte pas une interférence injustifiée ou disproportionnée avec la liberté d’expression. Les restrictions excessives à l’accès à l’information doivent aussi être évitées. Les médias jouent un rôle crucial en informant le public sur les actes de terrorisme, et leur capacité d’action ne devrait pas être indûment limitée. À cet égard, les journalistes ne doivent pas être pénalisés pour avoir mené leurs activités légitimes. »
Dans un rapport intitulé Dix pratiques optimales en matière de lutte antiterroriste, le rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste estime que « l’infraction d’incitation au terrorisme a) doit être limitée à l’incitation à un comportement qui est véritablement de nature terroriste, tel que dûment défini conformément à la pratique 7 ci-dessus ; b) ne doit pas limiter la liberté d’expression plus que ce qui est nécessaire à la sauvegarde de la sécurité nationale, de l’ordre et de la sécurité publics ou de la santé ou de la moralité publiques ; c) doit être interdite par la loi en termes précis, notamment en évitant l’emploi d’expressions vagues telles que “glorification” ou “promotion” du terrorisme ; d) doit comporter un risque réel (objectif) que l’acte préconisé par l’incitation sera commis ; e) devrait faire référence expressément à deux éléments intentionnels, à savoir l’intention de communiquer un message et l’intention que ce message incite à la commission d’un acte terroriste ; et f) devrait préserver l’application des moyens ou principes de défense conduisant à l’exclusion de la responsabilité pénale en renvoyant à l’incitation “illégale” au terrorisme » (A/HRC/16/51, paragraphe 31).
Nom : Ali Anouzla Homme
Action complémentaire sur l’AU 261/13, MDE 29/013/2013, 26 septembre 2013
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