Pour cette année 2013, dominée par la crise égyptienne et la guerre en Syrie, le Maroc a essuyé des échecs sur le plan diplomatique et il est désormais en mauvaise posture non seulement au plan interne avec l’emprisonnement de journalistes et de militants amazighs mais aussi au Sahara Occidental. Des échecs insuffisamment médiatisés mais dont l’impact se fera ressentir pour le royaume dans les mois à venir.
En avril dernier, une crise au Conseil de Sécurité provoquée par les Etats-Unis a été désamorcée par la France. La nouvelle administration conduite par John Kerry demandait d’élargir les prérogatives de la Minurso, la mission de l’ONU, pour englober la supervision des droits de l’homme au Sahara occidental. La proposition américaine qui allait réduire considérablement l’emprise marocaine sur le territoire du Sahara a été modifiée par l’entremise de la France, amie de toujours du Maroc.
Nonobstant, la résolution exigeait l’amélioration de la situation des droits de l’homme au Sahara occidental. Depuis, les rapports d’ONG confirment le contraire de ce qui a été exigé par le Conseil. D’abord par l’ONG américaine Robert F. Kennedy pour la justice et les droits de l’homme (RFKennedy Center) qui jouit d’une grande influence auprès de la nouvelle équipe conduite par John Kerry, puis pas HRW et Amnesty International qui ont demandé l’envoi d’observateurs onusiens des droits humains à surveiller la situation au Sahara occidental.
A Washington, tous ces rapports ont conduit le département d’Etat américain à exprimer ses «inquiétudes» sur les violations des droits de l’homme des Sahraouis. Le département de John Kerry rapportait la situation au Sahara en application d’une loi adoptée en 2011 par le Congrès américain, qui exige du département d’Etat de vérifier la situation des droits de l’homme au Sahara occidental, avant l’octroi de toute aide financière militaire au Maroc.
Le rapport a finalement conclu que les entraves, les restrictions excessives et les difficultés d’action sont le lot quotidien des activistes sahraouis. Ce qui risque d’être la cause de la suspension de l’aide financière que le Département d’Etat accorde au Maroc.
A Bruxelles, la Commission des Affaires étrangères du Parlement européen (PE) a adopté le «Rapport Tannock» sur la situation des droits de l’homme au Sahel et au Sahara occidental. Après avoir lancé un appel au Maroc et au Front Polisario pour poursuivre les négociations en vue du règlement pacifique du contentieux qui les oppose, le PE réitère son soutien aux résolutions des Nations unies sur le Sahara en exigeant «le plein respect des droits de l’homme dans l’ancienne colonie espagnole ainsi que les libertés fondamentales du peuple sahraoui, y compris la liberté d’expression et le droit de manifester pacifiquement». Le PE a exprimé en outre son soutien explicite au « droit du peuple sahraoui à l’autodétermination «, comme est mentionnée une « spéciale préoccupation pour les violations des droits de l’homme dans les territoires occupés par le Maroc». Le document rappelle que le Sahara occidental est «un territoire non autonome en attente de parachèvement de son processus de décolonisation «.
De son côté, les pays membres du Conseil exécutif de l’Union africaine (UA) ont adopté un rapport sur la situation au Sahara occidental et insisté pour que les Nations unies et le Conseil de sécurité «prennent leurs responsabilités vis-à-vis de ce dossier dont le règlement a trop duré».
Et comme si cela ne suffisait pas, l’Espagne à travers son chef de gouvernement, Mariano Rajoy, sur la tribune de l’ONU, exprimait son soutien à une solution «juste» et «durable» basée sur l’autodétermination.
Le Maroc, qui a manœuvré pour bloquer le rapport Tannock au PE, a par ailleurs actionné ses lobbys en Occident pour réitérer la menace terroriste qui pèse sur la région en cas d’indépendance du Sahara. Mohamed VI et pour gagner la sympathie de John Kerry est même allé jusqu’à demander des frappes contre le régime syrien de Bachar Al-Assad, aux plus forts moments de la crise opposant les Etats-Unis et la Russie.
Mais avec l’assassinat du jeune Rachid Mamoune, les choses vont encore se compliquer. Et il est fort à parier que lors du prochain examen de la situation au Sahara occidental par le Conseil de sécurité, les Etats-Unis rebondissent avec la même proposition que l’an dernier, à savoir élargir les pouvoirs de la Minurso. La France pourra-t-elle encore jouer le rôle de pompier du royaume ?
Yassine Mehalla
Le Jeune Indépendant, 4 Oct 2013
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