Aymeric Chauprade, au service de Marine Le Pen et Mohamed VI

Mohamed VI a recours à Aymeric Chauprade, un géopoliticien français, qui vient de se faire une nouvelle fois l’avocat de la position marocaine au Sahara occidental à l’ONU. Idéologue plus que scientifique, défenseur d’une « realpolitik », tout nouveau candidat du Front National aux prochaines élections européennes, il est « expert royal pour le Sahara occidental ».
Selon le magazine Valeurs Actuelles, Aymeric Chauprade a adhéré au Rassemblement Bleu Marine en septembre dernier.
Ce rassemblement est la vitrine du Front National version Marine Le Pen, présidente de ce parti d’extrême-droite français, dans le but d’attirer en son sein des personnes qui n’osent ou ne veulent pas pour des raisons diverses prendre leur carte au FN.

Conseiller discret de Le Pen depuis 4 ans

Aymeric Chauprade en fait partie. Il deviendrait très prochainement conseiller de la fille Le Pen pour les relations internationales, si l’on en croit la lettre électronique Maghreb Confidentiel. Mais, selon Lefigaro.fr il fait déjà partie du staff de la fille de Jean-Marie Le Pen, la conseillant depuis quatre ans, mais discrètement (son nom ne figure pas dans la liste de ses conseillers politiques disponible sur le site du parti).
Ancien enseignant en géopolitique au Collège inter-armées, Aymeric Chauprade est aussi conseiller de Mohamed VI pour le Sahel, selon Maghreb Confidentiel, et « expert du Royaume du Maroc pour le Sahara occidental », comme il l’explique lui-même.
C’est à ce titre qu’il vient d’intervenir le 8 octobre dernier devant la 4ème commission des Nations-Unies qui se réunit pour aborder notamment les questions de décolonisation.
Le 9 octobre 2012, cet intellectuel français faisait déjà partie des « pétitionnaires » autorisés à prendre la parole dans l’hémicycle du siège de l’ONU à New-York. Lecompte-rendu des interventions précise qu’il faisait bien partie de la délégation marocaine. Ces propos rapportés alors sont les mêmes que ceux prononcés en octobre 2013 :
Aymeric Chauprade « a estimé que la question du Polisario ne peut être séparée de la question touarègue et du fondamentalisme ». « Ceux qui regardent le Sahara occidental avec les vielles lunettes du passé et de la guerre froide doivent revoir leur position », a-t-il conclu en 2012.

Propagande marocaine

Engagé comme « chef de file incontesté d’une nouvelle école réaliste de géopolitique française » celui qui dirige encore la chaire de géopolitique au Collège des Forces armées royales de Rabat depuis 2003 considère que « la nouvelle ligne de fracture sépare bien ceux qui souhaitent conjuguer souveraineté des États et autonomies, les mêmes défendant un islam modéré et enrichi des traditions locales, et ceux qui, a contrario, veulent purement et simplement détruire l’État-nation au profit d’un projet religieux extrémiste ».
Une fois décrit ce nouveau paysage géopolitique binaire, le conseiller occulte s’interroge faussement pour asséner un élément de la propagande marocaine :
« Chacun sait que les populations sahraouies sont travaillées par ces mêmes forces fondamentalistes comme l’ont été les populations touarègues, fait qu’en 2005 déjà le chef du Polisario reconnaissait lui-même dans les colonnes d’un journal algérien. Par quel miracle le Polisario aurait-il échappé à la dérive mafieuse et fondamentaliste que connaissent toutes les populations nomades du Sahara depuis plus de 10 ans ? »
On pourra remarquer l’usage d’expressions peu scientifiques et qui ont pour but de poser des évidences. « Chacun sait… », « Par quel miracle… », peuvent surprendre dans la bouche d’un spécialiste de géopolitique, fréquemment sollicité par les médias, comme France Culture début novembre (mais sur la Chine) ou, plus souvent, sur Radio Courtoisie, antenne faisant la part belle aux penseurs et activistes de la droite extrême, sur laquelle il est invité régulièrement.

Un idéologue qui se présente comme un « expert »

Il participait encore le 6 novembre 2013 à émission de Paul-Marie Coûteaux, qui fût proche de Philippe de Villiers, comme lui même Quelle influence a ce dernier sur la position intransigeante de Mohamed VI sur le Sahara occidental ? Est-elle à l’origine du « durcissement » actuel du Roi vis-à-vis des Etats-Unis et de l’Algérie, comme l’article diffusé sur Demain Online le 8 novembre 2013 le laisse entendre ?
Une chose est sûre : derrière le paravent de l’intellectuel sommeille un idéologue qui présente ses idées comme des vérités objectives. Exemple, tiré de son intervention devant la 4ème Commission en octobre dernier :
« Les populations sahraouies du Sud du Maroc ont le droit à un avenir stable et au développement. Elles ont compris, dans leur très large majorité, que le Maroc pouvait offrir cet avenir. »

Faire fructifier ses idées identitaires

Son approche actuelle de la géopolitique, présentée sur le blog realpolitik.tv qu’il a créé (sous-titré « la géopolitique sur le net »), ressemble à un combat pour faire exister et reconnaître une pensée (la sienne, on l’aura compris). Comme il semble l’avouer lui-même, il préfère dorénavant rester en distance du monde de la recherche et de l’université pour se consacrer aux « affaires du monde ».
Aymeric Chauprade le dit dans une interview accordée le 30 septembre 2013 : son activité principale consiste plus à conseiller qu’à enseigner. Le « conseil international » à un pays des Caraïbes, au Royaume du Maroc pour le Sahara occidental, à des banques privées suisses et du Moyen-Orient, ou encore à la Russie, un pays dont il s’est « fortement rapproché », selon ses propres termes.
Une manière de faire fructifier son image d’intellectuel brillant, de spécialiste militaire. Un moyen également d’exploiter concrètement son « oeuvre » basée sur la question identitaire des Européens : « Très tôt, dans ses ouvrages, il pose le problème des fortes colonies de peuplement originaires d’Afrique et d’Asie qui s’installent en Europe occidentale tandis que vieillissent les populations de souche européenne », peut-on lire sur la biographie publiée sur son propre site.

Mis au ban du monde universitaire

Peut-être plus simplement, il s’est agi de trouver de nouveaux terrains d’investissement, sans doute plus lucratif que le travail universitaire, après l’épisode survenu en janvier 2009 avec la publication de son livre intitulé : « Chronique du choc des civilisations » : « L’alliance objective entre l’Amérique et l’islam radical y apparaît clairement et le premier chapitre sur le 11 septembre suggère une remise en question du dogme officiel », lit-on sur sa page de présentation.
Sa position lui a valu d’être mis au ban du monde universitaire et de la recherche, le Ministre de la Défense de l’époque, Hervé Morin, mettant fin à ses enseignements dans plusieurs écoles militaires et lui retirant sa chaire de géopolitique à l’école inter-armées de défense. Sur cet événement, Aymeric Chauprade n’hésite pas àparler d’ « épuration » sur son blog.
Un journaliste de l’hebdomadaire Le Point, Jean Guisnel, avait, le 4 février 2009, pointé « une perception pour le moins curieuse des attentats du 11 Septembre ». Aymeric Chauprade avait attaqué le magazine en justice, mais le tribunal n’a pas donné raison à ses arguments. Le 18 novembre dernier, sur Europe 1, il a à nouveau remis en cause la version officielle des attentats survenus le 11 septembre 2001.

Contre « l’oligarchie mondialisée », « le projet européiste »

L’intellectuel a sauté une étape importante en s’affichant au grand jour au sein de la famille frontiste en participant à l’université d’été du Front National les 14 et 15 septembre dernier.
En prononçant un discours très offensif, contre les « conformistes », « l’oligarchie mondialisée », « le projet européiste », « le projet mondialiste américain », en faisant même de « Jean-Marie Le Pen (…) l’espoir du redressement français » et de Poutine, l’artisan du redressement de la Russie « de manière spectaculaire », Aymeric Chauprade épouse les thèses (et les refrains) frontistes.
Pour lui, le redressement, tel qu’il le définit, d’un pays cautionne a priori des mesures anti-démocratiques et autoritaires. « L’immigration massive est le problème majeur de la France et des Européens de l’ouest qui vont disparaître dans une logique de repeuplement », a-t-il expliqué sur Agoravox.
Au cours de son discours devant le parterre des militants frontistes, il a appelé au « départ » de ceux qui « ne respectent pas notre civilisation ». Un « monde multipolaire », tel qu’il le réclame, ce qui signifie : à chacun son identité chez soi.
En annonçant déjà être en train de constituer un groupe avec d’autres partis d’extrême-droite européens, le Maroc pourra en tout cas, s’il est élu bien sûr, compter sur sa voix pour défendre les intérêts du royaume au Parlement européen. Le pouvoir chérifien acceptera-t-il ce soutien extrême ?

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